Le porte-avions nucléaire
Charles De Gaulle
et son environnement
Principales innovations
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La tranquillisation de plate-forme : la valeur opérationnelle d’un porte-avions résulte de sa capacité à mettre en œuvre son groupe aérien par des mers fortement agitées. La demande à satisfaire était de pouvoir effectuer des opérations d’appontages et de catapultages jusqu’à des mers de force 5/6. Il était également recherché de pouvoir maintenir une faible inclinaison du pont afin de pouvoir préparer les avions sur le pont pour les pontées successives lors des évolutions du bâtiment au sein du groupe aéronaval.
Les calculs des formes ont été très volumineux pour rechercher à optimiser les mouvements de plates-formes tant pour les phases de catapultages que d’appontages, sans oublier que l‘axe de la piste oblique est incliné de 8°30’ par rapport à l’axe du navire, mais aussi lors des mises en girations qui provoquent de la gîte (inclinaison transversale du navire).
Pour résoudre ces différents problèmes, en plus du travail des formes, les safrans ont été positionnés dans le flux hydraulique des hélices et les stabilisateurs de roulis sont pilotés par un calculateur qui intègre les évaluations proches du navire sur houle. Pour contrer les effets des mises en giration et des vents de travers, un dispositif complémentaire créant un couple de redressement, le SATRAP, consiste à piloter des masses solides transversalement.
En lire : la plate-formeLa plate-forme doit loger cette petite ville de 2 000 personnes en intégrant tous les différents systèmes dans des conditions de cohabitation assurant leur fonctionnement en sécurité propre mais aussi mutuelle. Les contraintes imposées par la mise en place simultanément de deux chaufferies nucléaires pour la première fois en France sur un bâtiment de surface, d’une pyrotechnie et la mise en œuvre des aéronefs équipés d’armes (y compris nucléaires), tout en respectant la sécurité, ont été souvent déterminantes pour l’architecte d’ensemble.
Il a fallu, certes en utilisant des acquis de la construction de sous-marins nucléaires depuis le début des années 60, qu’il puisse démontrer que les dispositions de renforcement des structures prises étaient particulièrement sures en cas d’attaques extérieures par missiles mer-mer ou air-mer, torpilles, d’abordage, et suffisamment efficaces. Des essais externes, comme par exemple la simulation d’un abordage par un bâtiment de surface représentant alors la frégate Suffren représentée au 1/8, sont venus conforter les calculs de structure dans les zones concernées. C’est ainsi que tout ce qui constituait le nucléaire a été placé dans un caisson central renforcé où l’accès est limité à peu de personnes, retrouvant ainsi une disposition qui avait été adoptée en son temps pour les Clemenceau et Foch. La protection apportée par cette disposition est double : elle améliore la protection au rayonnement radiologique et participe à la résistance des agressions extérieures. Elle a imposé de répartir les locaux « vie » dans les secteurs avant et arrière du navire.
Une autre notion importante pour la définition des formes a été la recherche d’une bonne stabilité en fonction des puissances de mer rencontrées jusqu’à mer force 5/6 pour pouvoir assurer la mise en œuvre de l’aviation embarquée. Il fallait travailler sur la zone avant pour obtenir la meilleure stabilité lors des séquences de catapultages et également sur la zone arrière pour celles des appontages en n’oubliant pas que la piste oblique est inclinée de 8,5 degrés.
Il faut avoir vu glisser un avion non accroché au pont par des saisines, alors que l’inclinaison était de l’ordre de 5 degrés, pour comprendre que la recherche d’atténuation des mouvements de plates-formes a été une préoccupation importante. Une innovation significative a consisté à traiter le roulis, le lacet et les embardées par calcul en temps réel, afin de piloter le navire au travers d’une boîte noire et d’envoyer les ordres aux stabilisateurs de roulis et aux safrans. Egalement pour contrer la gite due au vent et lors des girations pour rejoindre rapidement la route aviation, non prise en compte par le système de pilotage évoqué précédemment, un dispositif complémentaire de tranquillisation de plate-forme a été imaginé. Il consiste à déplacer transversalement et automatiquement des masses pour contrer l’inclinaison que prendrait le navire en évolution. Au départ, ce dispositif envisageait des mouvements transversaux d’eau de mer par des collecteurs placés sous le pont d’envol. In fine, le système SATRAP retenu est le déplacement de masse solide qui présente plus d’intérêt que celui d’une masse liquide.
Cette étude de comportement à la mer a demandé de nombreux calculs, d’examiner plusieurs formes, d’effectuer de nombreux essais au bassin des carènes de Val-de-Reuil (Eure) et même d’utiliser une maquette libre au 1/12, le Pen Men, qui a était fort utile lors de ses navigations à Lorient pour le SATRAP.
Lors de girations, même à vitesse élevée, le pont du CDG ne s’incline pas, ce qui permet de gagner sensiblement de temps pour préparer les pontées enchaînées.
Le système de combat : outre les missions de ses aéronefs qui sont élaborées à bord avant d’être intégrées dans le système missions de chaque avion ou hélicoptère, le Charles de Gaulle, point focal du groupe aéronaval GAN, doit pouvoir recevoir beaucoup d’informations, soit internes à partir de ses nombreux senseurs généralement disposés sur l’îlot, soit externes via son réseau de transmission (y compris satellitaire), les traiter et définir les missions qu’il confiera à ses moyens propres (aviation embarquée et ses systèmes d’autodéfense) ou aux autres composantes du GAN.
L’ensemble des moyens, complémentaires et mobiles, se déplacent en fonction de la situation tactique et de l’évolution de la menace pour former une grosse bulle de protection, de l’ordre de 2 000 km, autour du Charles de Gaulle. Le porte-avions est donc capable de surveiller une zone bien plus étendue que la France métropolitaine et de conduire les éventuelles interventions que la situation élaborée par son système propre pourrait imposer.
Le Charles de Gaulle, avec ses moyens de commandement et de transmissions les plus modernes d’ailleurs modernisés lors de son dernier arrêt technique majeur (ATM), est devenu un nœud de communications et un centre de décisions. Le haut niveau d’intégration du système de combat et de commandement, centre de commandement du groupe aéronaval, s’appuie sur la très forte puissance de calcul en temps réel et en temps différé du système d’exploitation naval SENIT 8, dont les informations sont exploitées sur des consoles banalisées.
Le système de calcul et de gestion permet également d’assurer, par son architecture particulière, des fonctions de liaisons intérieures, d’administration ou de gestion technique des avions, mais aussi le contrôle de l’énergie-propulsion ainsi que le pilotage du navire.
En lire : le pont d’envolLe pont d’envol :
La longueur du bâtiment découle tout naturellement de celle du pont d’envol.
Depuis l’arrivée des avions à réaction à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’axe de la piste d’appontage par rapport à l’axe longitudinal du bâtiment est incliné en général vers bâbord, l’îlot étant positionné sur tribord. Pour le Charles de Gaulle, l’angle retenu est de 8,5 degrés.
C’est alors que commence la tâche ardue qui conditionnera la longueur de la piste oblique : positionner le point d’impact de la crosse. Ce point théorique est fonction de la pente de descente des avions, en général 3,5 degrés, de la garde à l’arrondi à hauteur de passage du sabot de crosse ; en général cette garde est prise à 3 mètres, la moitié pour tenir compte du tangage du navire, l’autre pour l’avion qui évolue dans un flux aérologique perturbé fortement dans cette zone proche de l’arrondi. On peut ainsi placer un brin de pont légèrement sur l’avant du point d’impact théorique, le positionnement des deux autres brins en découle. Puis, en tenant compte de la largeur du pont et des presses de freins retenues, on détermine la longueur de la zone d’arrêt à partir du troisième brin, en prenant un excentrement de 3 m sur bâbord et un angle de 4 degrés par rapport à l’axe de la piste. On amène alors la presse en butée mécanique et on rajoute la longueur de l’avion plus une marge de sécurité.
Cette longueur fixée, il faut ensuite réserver une zone de parking pour placer tous les avions d’une pontée en retour de mission (jusqu’à 20 chasseurs, plus l’avion de guet). Il fallait également pouvoir placer quelques avions d’alerte prêts à être catapultés si la situation opérationnelle l’exigeait.
Le positionnement de l’îlot fut également discuté, la propulsion nucléaire permettant de le placer sans être gêné par des conduits de fumée. De sa position dépendait le positionnement des ascenseurs capables d’une charge de 36 tonnes desservant le hangar. In fine, l’îlot a été mis le plus en avant possible, tout en laissant une zone de parking avant suffisante. Il devait permettre au local « tour de contrôle » d’avoir une bonne visibilité sur l’ensemble du pont d’envol.
Il a été admis que les phases de catapultages et d’appontages ne pouvaient pas être réalisées en même temps. Les catapultes purent donc être positionnées. D’une longueur de 75 mètres, celle de l’avant est parallèle à l’axe du navire, celle dite latérale implantée sur la piste.
Pour manœuvrer les avions et manutentionner le matériel, et assurer les ravitaillements en combustible aéronautique, le personnel dispose de nombreux moyens : tracteurs jaunes, moyens de lutte contre l’incendie et même un gros engin de susceptible de servir à dégager rapidement une carcasse en cas de crash sur le pont d’envol.
La largeur de la piste oblique est de 20 m. celle du pont d’envol de 63 m et sa surface de 12 000 m² (respectivement 47 m et 8 000 m2 sur le Clemenceau).
Le PC pont d’envol :
C’est du PC pont d'envol, situé au pied de l’îlot avec une vue bien dégagée sur l’extérieur, que les manœuvres aviation sont gérées depuis ce PC. Dans ce local, les opérateurs dits « chiens jaunes » sont les garants de tout le ballet qui accompagne chaque phase de préparation des pontées, des catapultages et des appontages, selon le rythme imposé par le besoin opérationnel, de jour comme de nuit, avec un maître mot : la sécurité. Ils disposent d’un plan du pont d’envol et également du hangar sur lesquels sont placées des petites maquettes d’avions au positionnement instantané des avions et précisé leur état exact (disponibilité, armement, combustible, etc.).
Les phases sur le pont sont assurées par des équipes de pont d’envol différenciées par des vêtements aux couleurs distinctes, selon leur fonction, leur spécialité ou leurs services. La sécurité d’ensemble est toujours assurée par un chien jaune qui a une grande expérience aéronautique et une très bonne connaissance des dangers potentiels des avions dans un environnement bruyant et en plein air (réacteurs, hélices, mise en place des munitions, avitaillement en carburant, etc.). La communication par gestes demeure importante.
Des moyens spécifiques de sécurité (tracteurs de manutention aéronefs, moyens de lutte contre l’incendie, grue de crash) doivent pouvoir assurer leur mission dans des conditions critiques parfois.
L’îlot :
Du fait de la propulsion nucléaire, son positionnement sur tribord était rendu plus aisé que sur les anciens porte-avions à vapeur. Il fallait toutefois respecter les grands équilibres du projet, mais aussi loger les nombreux locaux opérationnels qui voulaient y trouver place. Bien sur la passerelle devait être suffisamment vaste pour recevoir tous les systèmes contribuant à la conduite et à la navigation et son implantation imposée. La passerelle aviation, séparée de la passerelle de navigation constituait également une contrainte, car, véritable tour de contrôle, elle doit disposer d’une bonne visibilité sur les catapultes, les freins d’appontage et le circuit d’aérodrome. Le chef « avia » porte également une grande responsabilité sécuritaire pour les différentes phases des vols à proximité du porte-avions.
Mais la grande difficulté pour cet imposant ensemble est le positionnement des différents aériens, antennes radars, de transmissions, de brouilleurs … chacun voulant la meilleure place, c'est-à-dire la tête du mât. Il faut alors composer pour que chaque émetteur ou récepteur puisse assurer sa mission sans être gêné par ses voisins. La mise au point finale de ce bel édifice fait l’objet d’essais en vraie grandeur, en bord de mer près de Toulon, en respectant les hauteurs par rapport au niveau de la mer. Autre sage précaution sécuritaire : il est impératif que les rayonnements générés au niveau du pont d’envol soient compatibles avec les diverses munitions manutentionnées sur le pont d’envol.
La plate-forme officiers d’appontage :
Placée sur l’arrière tribord entre l’arrondi et le premier brin d’arrêt, équipée de moyens radio et de systèmes d’état des freins, de l’optique, du DALAS et des informations générales sur les conditions aérologiques au moment des appontages, elle permet à l’officier d’appontage d’assurer la sécurité de l’avion en phase finale, qui est particulièrement délicate.
Ce travail achevé, il restait à l’architecte d’ensemble à poursuivre la définition du navire.
En lire : le système de combatLe système de combat : le Charles de Gaulle, avec ses moyens de commandement et de transmissions ultramodernes, est devenu un nœud de communications et un centre de prise de décisions.
Le système de combat est organisé pour réaliser une grande partie des fonctions opérationnelles du porte-avions dont les responsabilités sont distribuées au sein des services du bord : il en reflète donc l’organisation. Il intègre des « sous-systèmes » soit dédiés, comme le système de défense et de commandement, soit support, comme le système de communication interne.
Le système de défense et de commandement :
Le navire dispose de l’ensemble des moyens nécessaires à l’analyse du renseignement, aux échanges de données vers les centres à terre, les autres unités navales et les aéronefs, et à la planification ainsi qu’à la conduite des opérations aéronavales. Grâce à des moyens de détection performants et à la fusion des données recueillies par les unités et les aéronefs de la Force, le Charles de Gaulle élabore une situation tactique claire au sein du CO (central opération) du bâtiment, afin que les opérationnels puissent prendre les bonnes décisions, en temps réfléchi comme en temps réel. Son centre de préparation de missions est capable de générer toutes les données et tous les fichiers indispensables aux pilotes de chasse et aux équipages des Hawkeye et des hélicoptères pour mener leurs missions de combat. Le centre de commandement dispose de moyens capables de détecter et de gérer jusqu’ à deux mille cibles (avions, bateaux ou, missiles) simultanément.
Il est relié aux plus hautes autorités de l’Etat, via le réseau de satellite de communication militaire Syracuse. Les systèmes de communication par satellite français et américains permettent de demeurer en contact permanent avec le centre de commandement français et avec les divers centres de commandement alliés.
Les réseaux de communication relient le porte-avions aux autres bâtiments en mer, aux aéronefs en vol et aux centres de commandement. Ces réseaux sont compatibles avec ceux de l’OTAN, ce qui permet d’intégrer différents bâtiments amis.
Il est constitué de capteurs (radars et optroniques) et d’armes (voir le schéma joint qui décrit une situation qui a évolué dans un premier temps par la suppression des lance-leurres, puis, à mi- vie, par le remplacement du DRBJ J 11 par le SMART S).
Le haut niveau d’intégration du système de combat place le porte-avions au cœur d’un dispositif de communication et de traitement de l’information intégrés. Centre de commandement du groupe aéronaval, le Charles de Gaulle est doté d’une puissance de calcul plus de 1 000 fois supérieure à celle de ses prédécesseurs des années 1960, qui ne disposaient pas de SENIT (Système d’exploitation navale des informations tactiques [créer un lien avec « 61-2 - SENIT par E. Guillaud »].
Ces équipements sont exploités au CO sur des consoles « banalisées », dont l’organisation résulte des travaux de développement du SENIT 8 qui réglait l’interface homme-machine des postes de travail d’un CO et les relations entre ceux-ci.
Le schéma ci-après donne le détail des postes d’exploitation (partie « grisée ») :
Le système d’auto défense :
L’autodéfense du bâtiment est assurée par des moyens de guerre électronique (des brouilleurs ARBB33) et par deux systèmes de missiles : 4 Sylver A43 fabriqués par Naval Group Ruelle armés de missiles Aster 15 fabriqués par MBDA et répartis en deux batteries (l’une tribord devant l’îlot et l’autre à bâbord, soit 32 missiles au total) et 2 Sadral portant chacun 6 missiles Mistral. En outre, 8 canons de 20 mm et 4 mitrailleuses de 12,7 mm sont déployés en abord du pont.
Le système de communication interne :
Le fonctionnement d'une unité aussi vaste et complexe ne peut être assuré avec efficacité et rapidité sans le recours à un système puissant de distribution et de gestion des informations intéressant l'ensemble des systèmes du bord.
Basé sur une architecture en réseau (une boucle pour les échanges automatiques entre ordinateurs et une boucle pour la consultation par les opérateurs), qui permet l'interconnexion des calculateurs et banques de données propres à chaque domaine, ce système concerne, outre la conduite de l'action instantanée du combat, la conduite des opérations du GAN en liaison avec la terre, la mise en œuvre de l'aviation (fonction de base aérienne), la navigation, la surveillance et la conduite des systèmes d'énergie-propulsion, la sécurité, l'exploitation des liaisons extérieures et intérieures, ainsi que la gestion du personnel et des moyens logistiques.
Le schéma ci-dessous fournit une illustration des liaisons ainsi réalisées pour les ensembles principaux du système de combat :
- le système de combat à proprement parlé (SDC) et les aides au commandement (AIDCOMER) et à la préparation des missions des aéronefs (SLPRM)
- le système de communication extérieur (SYTEX) organisant les échanges radio (« classiques » ou tactiques, via satellite) entre les exploitants du bord et leurs interlocuteurs extérieurs
- le SNI élabore et diffuse des données de navigation : attitudes de plate-forme, position, vitesse, heure, etc.
- les données météo sont fournies par le PC ENV
La boucle dite « SGD » supporte également :
- les liaisons intérieures en phonie (téléphones et interphones)
- les affichages répartis dans l’ensemble du bord (SAF)
- la gestion technique des aéronefs
- le « control-command» de l’appareil propulsif, de la production d’énergie, etc. et de la sécurité
- la gestion administrative
Pour des raisons de sécurité et souvent du fait de la mobilité de leur personnel, certains services ont un réseau de communications en propre qui concernent la protection défense, les activités sur le pont d’envol et dans les hangars, etc.
En lire : SENIT, témoignage de l’amiral GuillaudSENIT, témoignage de l’amiral Guillaud
Le hasard des affectations a fait que j’ai été directement mêlé à l’aventure du porte-avions Charles de Gaulle du 1er décembre 1983 au 1er août 2001 ; ces dix-sept ans et demi à temps complet ou partiel sont un phénomène rare dans une carrière de marin.
Sans doute, auparavant, j’avais souvent été « au cul du PA » puisqu’affecté sur escorteurs d’escadre lance-missiles dont les déploiements étaient liés à ceux du Clémenceau et du Foch pour assurer leur protection anti-aérienne. Je connaissais donc la vie du groupe aéronaval de l’intérieur et celle du porte-avions de l’extérieur. Mais connaître sa vie de l’intérieur, c’était une autre histoire.
Nommé fin 1983 comme officier de marque du SENIT 6, celui des Cassard et Jean Bart, j’arrivais directement de l’opération Olifant qui maintenait une présence aéronavale devant le Liban et venait de frapper après l’attentat du Drakkar (23 octobre ; 58 morts français, 241 américains, 6 libanais). Ma mission était de transcrire dans le futur système de combat des frégates anti-aériennes tout ce que nous avions pu apprendre en lutte au-dessus de la surface tant des méthodes alliées, américaines essentiellement, qu’adverses, puisque les Russes comme les Syriens ne se gênaient pas pour nous survoler et essayer de nous mettre en défaut. La situation actuelle en mer de Chine ressemble beaucoup à la période pré-Drakkar.
Le Centre de Programmation de la Marine, section opérationnelle - puisque telle était mon affectation - était constitué d’un tout petit groupe d’officiers issus des forces ; six au total pour les SENIT 1/2/3 (escorteurs d’escadres, frégates type Tourville, etc.), le SENIT 4 (type Georges Leygues), le SENIT 6, les liaisons de données L11/14/16, l’Atlantic 2. Nous étions les homologues d’autant d’ingénieurs de l’armement, qui étaient assistés de solides équipes techniques, étatiques et industrielles mélangées. Cet attelage semblait baroque à beaucoup : pour la Cour des Comptes un OVNI (mélanger étatiques et privés sur un même plateau, quelle drôle d’idée !), pour la rue Royale, nous étions stockholmisés par la DCAN, pour la DGA et le STCAN nous étions les yeux de Moscou envoyés par l’état-major de la Marine. Je dois à la vérité que nos homologues IA de la rue Sextius Michel vivaient une situation absolument symétrique. Nous en rions encore ensemble.
Le futur Charles de Gaulle, connu alors sous le doux acronyme de PAN puisque tous savaient que le nom de Richelieu n’était que provisoire, était déjà sur les planches à dessin et les travaux pour son système de combat avaient commencé. Le cœur devait être une évolution majeure du SENIT 6, car il ne s’agissait plus seulement d’assurer la protection anti-aérienne d’un groupe aéronaval en temps réel, mais celle face à toutes les menaces, sous-marines incluses, pour toute une zone d’opérations et ce dans le temps long comme le temps le plus court. Ce sera le SENIT 8.
C’est ainsi que, grâce aux études menées au profit du PAN, la DCAN, le STCAN et l’EMM pourront théoriser ce qui fait la charge utile de tout navire de combat : son système de combat. Le SENIT passera alors du statut de cœur du « système de combat » à celui de cœur du « système de direction de combat » : il faut agréger dans le système global aussi bien la gestion des transmissions et des réseaux (déjà) que l’aide à la décision (AIDCOM puis AIDCOMER à l’époque), la gestion des vols (missions et programme PLANOPAIR), les bases de données de renseignement, l’aide au commandement pour l’état-major embarqué, les premières cartes numérisées et les interfaces digitales avec les systèmes à terre. Les satellites de communication connaissent alors un tel développement que chacun pressent l’importance des flux à venir entre les états-majors centraux et les navires à la mer.
Tout est nouveau, tout est à développer. L’informatique gagne régulièrement en puissance selon les lois de Moore ; on parle alors de digitalisation, qui deviendra notre numérisation moderne. Le CPM dans son ensemble en est tellement convaincu que l’architecture-même du système de combat (et pas seulement celle du SENIT 8) tient compte de ces fameuses lois. Lorsque les premières spécifications techniques sont publiées au début de 1986, les débits informatiques accessibles comme la puissance des puces disponibles sont insuffisants d’au moins un ordre de grandeur au regard des besoins exprimés. Collectivement, nous faisons le pari que la technologie (matériel comme logiciel) sera au rendez-vous pour 1994, date des essais à la mer prévue au démarrage du programme. Ce pari sera gagné haut la main.
Comme le SENIT 6 évolue favorablement et que la seconde heure de gloire de l’intelligence artificielle (celle des systèmes experts dans les années 1985-90) en est à son début, le CPM/ST teste idées et matériels. Il collabore avec l’INRIA et des petites sociétés que l’on n’appelle pas encore des start-up ; ces dernières viennent des universités et écoles d’ingénieurs, souvent grenobloises. Dans ce bouillonnement intellectuel particulièrement stimulant, le CPM/OP fournit scenarii et expertise, qui permettront par exemple de valider la plupart des interfaces homme/machine aujourd’hui utilisées. Les questions sur le degré d’automatisme à implanter se posent déjà, à l’instar des réflexions actuelles sur les robots tueurs.
Tous savent que le porte-avions, dont le caractère unique est déjà à craindre à l’époque, sera le réceptacle grandeur nature de l’ensemble de ces idées nouvelles et de ces tests : ces derniers sont donc sans pitié, sans tabous et sans préjugés. Situation rare pour une équipe de concepteurs, qui aura l’occasion unique de passer de la théorie à la mise en œuvre, après avoir vécu tous les stades - et toutes les affres - qui vont du démonstrateur au prototypage jusqu’à l’implémentation finale. Situation rare aussi qu’une telle symbiose entre ingénieurs et opérationnels, à qui une partie de la communauté maritime de défense prédisait l’échec : trop grand, trop complexe, et donc en retard… Si le système de combat dans sa globalité a été une réussite et a permis au Charles de Gaulle de tenir son rang sans difficulté pendant vingt ans, c’est grâce à cet attelage baroque entre IA, ingénieurs civils étatiques et privés et officiers de marine bon teint.
Nous en gardons tous un formidable souvenir.
Amiral (2S) Edouard Guillaud
Officier de marque du SENIT 6 et du système de combat du PAN CDG (1983-1987)
Equipe de programme du PA CDG (1993-1997)
Second (1997-1999) puis commandant (1999-2001) du PA CDGEn lire : Nouvelle jeunesse du CDG (ATM)Nouvelle jeunesse du CDG (ATM). Le Charles de Gaulle vient d’achever un arrêt technique majeur (ATM) programmé non seulement pour remplacer le combustible usagé de deux chaufferies nucléaires K15, mais aussi pour effectuer une importante mise à niveau de ses systèmes de détection et de calcul, afin de renouveler son potentiel opérationnel jusqu’à la fin de son exploitation (vers 2040) et lui conserver ainsi son avance technologique au service de la France. L’opération a duré de février 2017 à mi-octobre 2018, à l’issue des essais de qualification à quai et à la mer des nouveaux systèmes.
Le système de combat a été très sensiblement modernisé, en particulier le système tactique qui reçoit les informations des nouveaux senseurs installés en remplacement des senseurs initiaux dont la technologie datait d’une trentaine d’années et élabore les éléments pour la conduite de l’action. C’est ainsi qu’il a été procédé à la mise en place de nouveaux réseaux numériques, au changement complet du Central Opérations, à la rénovation des systèmes de télécommunications ainsi qu’au changement des radars de veille aérienne et de navigation.
La modernisation des installations aviation a consisté principalement à adapter les diverses locaux pour le passage au tout Rafale, mais également à renouveler des aides à l’appontage : optique, DALAS, etc.
Un troisième volet de l’ATM a concerné la rénovation de la plate-forme, c’est-à-dire, entre autres : la modernisation d’automates de conduite du navire, la rénovation du système automatique de tranquillisation et de pilotage, le remplacement de deux unités du système de réfrigération du bâtiment, mais aussi la refonte du simulateur de conduite ou encore celle d’une cuisine.
Bien sûr, cette rénovation a également comporté les travaux de maintenance et, en particulier, la visite des deux chaufferies nucléaires, le remplacement de leur combustible, la maintenance de l’usine électrique, la maintenance de l’appareil propulsif et des lignes d’arbres, la visite des catapultes, freins d’appontage et ailerons de stabilisation, ainsi que la peinture des œuvres vives et mortes.
Quelques chiffres clés :
- 5 ans de préparation
- 18 mois de chantier (4 ans pour un porte-avions américain)
- plus de 200 000 tâches réalisées, dont 50 % par l’équipage
- plus de 4 millions d’heures de travail
- 2 100 personnes à l’œuvre chaque jour en moyenne : 1 100 membres de l’équipage, 1 000 collaborateurs de Naval Group et de ses 160 entreprises sous-traitantes
- 2 000 essais menés
- 1,3 milliard d’euros de budget (4,7 milliards d’euros pour un porte-avions américain)
La réalisation de cette opération très importante pour la valeur opérationnelle du CDG (cf. ATM premiers enseignements opérationnels) pendant les prochaines décennies a été accomplie en unissant le personnel de la DGA, la Marine nationale, le Service de Soutien de la Flotte (SSF), l’équipage du porte-avions et les acteurs de l’industrie française. Assurant la maîtrise d’œuvre d’ensemble, Naval Group a travaillé avec de grands équipementiers du secteur de la défense comme TechnicAtome, Thales ou Safran, des entreprises généralistes, mais aussi avec des PME issues majoritairement du tissu industriel local et régional.
La génération nucléaire de la vapeur :
La génération nucléaire de la vapeur présente un très important avantage pour ce type de navire. Cette vapeur est nécessaire pour la propulsion de 83 000 ch, pour la principale source de génération électrique de 20 MW et pour alimenter les deux catapultes.
Géométriquement communes à celles des SNLE type Le triomphant, les deux chaufferies nucléaires compactes K 15 de 150 MW thermiques s’en démarquent toutefois par un mode de fonctionnement totalement différent. En effet, un porte-avions doit pouvoir faire face à des variations fréquentes de la puissance de propulsion, notamment pour les manœuvres aviations, et fournir à chaque catapulte 500 kg de vapeur toutes les minutes. Leur mise au point par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), Technicatome et DCN Indret a demandé des développements particuliers, qui ont été testés à Cadarache dans le réacteur d’essais prototype RNG (Réacteur de nouvelle génération).
Par ailleurs, il fallait intégrer pour la première fois en France des réacteurs nucléaires sur un bâtiment de surface. L’expérience de leur implantation sur les sous-marins fut fort utile, mais il a fallu les placer dans des enceintes de confinement, elles-mêmes implantées dans une double coque avec des dispositions architecturales les préservant des agressions externes : abordage, résistance aux torpilles et aux attaques des missiles tirés vers le navire, mais également aux risques des crashs éventuels sur le pont ou à des problèmes inhérents aux munitions stockées.
Il fallait également assurer la protection radiologique d’un personnel beaucoup plus nombreux que l’équipage d’un sous-marin.
Bien sûr, il a fallu démontrer aux instances de sûreté nucléaire que les dispositions adoptées répondaient à des exigences de sûreté évidemment évolutives dans le cadre d’un projet d’une telle durée.
La situation de la propulsion nucléaire en France en 2018
En lire : système énergie et propulsionSystème énergie et propulsion du Charles de Gaulle : en 1986 commence l’aventure industrielle du Charles de Gaulle, alors qu’il s’appelait encore le Richelieu et que les esquisses en avaient été lancées bien longtemps avant dans les bureaux du STCAN à Paris.
La propulsion nucléaire développée en collaboration entre TechnicAtome et l’établissement de DCN Indret, à la fois pour le Triomphant et le Charles de Gaulle, allait battre son plein pour plusieurs années avec la conception d’un réacteur commun aux deux programmes, un réacteur K15 de 150 MW thermiques dont 10 exemplaires devaient être réalisés, à l’époque, pour équiper les six SNLE NG appelés à remplacer les SNLE type Le Redoutable à partir de 1997 et les deux porte-avions nucléaires, alors prévus dans la loi de programmation militaire.
Tiré par le programme SNLE NG avec deux années de décalage, le réacteur K15 a été é adapté au porte-avions nucléaire pour alimenter en vapeur simultanément la propulsion entraînant, via des turbines et des réducteurs, les deux lignes d’arbres d’une puissance totale de 83 000 CV, les 4 turboalternateurs de production électrique de 4 MW chacun participant à la génération d’une puissance électrique globale de 21 MW (soit l’équivalent des besoins d’une ville de 30 000 habitants) et les 2 catapultes à vapeur.
Chaque réacteur produit 210 tonnes de vapeur à l’heure et alimente une turbine de propulsion HP et BP ainsi que deux turbo alternateurs, mais est également capable d’en délivrer 500 kg par catapultage aux 2 catapultes toutes les 30 secondes, en maîtrisant le risque de perturber le contrôle commande des cœurs nucléaires. Pour parer à cette difficulté, DCN Indret avait réalisé en solution de secours une chaudière à vapeur fossile. Cette chaudière fut ultérieurement réutilisée au centre d’essais, quand les essais de simulation neutronique réalisés par TechnicAtome à Cadarache sur le réacteur RNG, construit comme prototype du réacteur K15 en grandeur nature afin d’en tester toutes les fonctionnalités et former à terme les futurs équipages (SNLE NG et Charles de Gaulle), furent concluants.
Dès 1986, DCN Indret se lance dans la conception des enceintes de confinement en association avec la filiale NEYRPIC de FRAMATOME. Celle-ci en réalise la fabrication à Chalon-sur-Saône pendant que DCN Indret prépare le hall d’assemblage des enceintes, ainsi que leur portique d’embarquement sur la Loire (aussi destiné aux composants lourds de SNLE type Le Triomphant) pour leur transfert par barge vers Brest et Cherbourg.
D’un poids de près de 900 tonnes, les deux enceintes de confinement vont être totalement équipées de tous les composants de la chaufferie nucléaire, énorme innovation par rapport aux chaufferies des sous-marins nucléaires assemblés pièce par pièce à Cherbourg.
En mai 1994, les deux enceintes quittent leur hall d’assemblage d’Indret pour être placées sur la barge DINO 2, grâce à l’impressionnante grue hollandaise SMIITAK, puis transférées vers Brest. L’opération d’embarquement programmée les 22 et 23 juin 1994 se fera finalement en une seule journée, le 22 juin 1994, grâce à la dextérité de nos amis hollandais et au pragmatisme des chefs d’équipe de DCN Brest.
A partir de 1992, le montage de l’appareil propulsif conçu et fabriqué à Indret bat son plein sous la maîtrise d’œuvre de l’échelon de montage de l’EMPAN crée par le rapprochement de TechnicAtome et DCN Indret.
L’EMPAN aménage les 71 locaux de la propulsion regroupés dans une Zone de Sécurité Nucléaire (ZSN), compartiment totalement blindé aux agressions extérieures et dédiés aux chaufferies nucléaires et aux deux appareils propulsifs. Il réalise le tirage des lignes de feu des lignes d’arbres (115 et 65 mètres), l’embarquement des turbines de propulsion, des réducteurs, des turbo alternateurs et des unités de production d’eau douce dans les deux compartiments machines.
En septembre 1996, le cœur dit « P1 » du Charles de Gaulle connaît son premier battement dans la pile AZUR de TechnicAtome à Cadarache, avant son chargement à Brest. Les divergences des deux chaufferies ont eu lieu les 25 mai et 10 juin 1998.
Ainsi, durant six ans, les équipes de l’EMPAN et de DCN Brest vont travailler pour gérer les interfaces entre la plate-forme et l’appareil propulsif jusqu’au chargement du combustible et les divergences en 1998. L’intégration de l’AMB (Atelier de Montage Bord), puis du HSP (Hall de Stockage Provisoire,) dans le hangar aviation, respectivement pour le montage en propre de la chaufferie nucléaire (salle blanche) puis pour le chargement des 64 éléments combustibles, sera au cœur de cette collaboration exemplaire.
Pendant tout ce temps, car l’appareil propulsif ne peut en aucun cas se soutenir de manière autonome, les études de sûreté nucléaire de la plate-forme sont en effervescence à Brest. Contrairement à DCN Cherbourg, Brest construit en effet pour la première fois un bâtiment à propulsion nucléaire et cela explique sans doute pourquoi les responsables des études de l’appareil propulsif du Triomphant sont envoyés à Brest pour diriger l’EMPAN et l’intégration des composants.
C’est en 1992 que ce rapport de sûreté prend son envol avec l’identification des Fiches d’Instruction Sureté (FIS puis des EIS qui en découlent) et le cortège des recommandations de conception et de réalisation imposées par les autorités de sûreté.
Cela concerne particulièrement la production électrique qui est générée par quatre turboalternateurs de 4 MW chacun, quatre Diesel-alternateur de 1 MW et par 4 turbines à gaz de 250 kW. En effet, pour la sécurité nucléaire, le concept de défense exige de disposer de deux barrières de profondeur, ce qui impose de disposer de quatre diesels de grand secours et deux turbines à gaz d’ultime secours. Les exigences de tenue au combat vont nécessiter une ségrégation géographique « bâbord tribord et avant arrière » de ces sources et des réseaux de distribution maillés à partir de l’usine électrique.
En 1995, le renforcement des règles de dosimétrie rendant le porte-avions « zone public » a conduit à des renforcements de protection radiologique qui imposeront un alourdissement de près de 1 000 tonnes au bateau sans véritables conséquences sur sa vitesse maximale.
Toutefois, cet alourdissement impose de redéfinir plusieurs fois le design des hélices qui, taillées pour 36 000 tonnes, n’étaient plus en mesure, à puissance constante des réacteurs, d’amener le porte-avions aux 27 nœuds nécessaires pour le catapultage sur deux lignes d’arbres. Ceci explique pourquoi l’une d’elles a cédé sous les 100 tonnes de poussée en novembre 2000, péripétie qui passe aujourd’hui encore pour une erreur des ingénieurs de DCN, alors qu’il s’agit en fait d’une sortie de l’épure initiale non anticipable.
Pour ceux qui ont navigué depuis 2000 sur le Charles de Gaulle et échangé avec leurs commandants successifs, inutile de dire combien l’emploi opérationnel d’un tel bâtiment, capable de parcourir 1 000 km par jour tout en servant au besoin de ravitailleur pour son escadre (grâce à ses 1 000 tonnes de fuel stockées dans ses entrailles en plus des 3 400 tonnes de kérosène de ses Rafale), est grandement facilité par ses deux chaufferies nucléaires, dont le renouvellement des cœurs n’intervient que tous les 7,5 ans environ !
Son successeur, qui pourrait avoir un déplacement en pleine charge sensiblement supérieur, aura à relever le défi considérable de rivaliser avec les performances du CDG.
En lire : hangar, ateliers et munitionsLe hangar a été conçu pour pouvoir abriter, au maximum, une bonne vingtaine d’avions et plusieurs hélicoptères.
En principe, seuls les avions qui nécessitent des interventions de maintenance programmées ou des réparations après leur retour de mission sont descendus au hangar. Celui du CDG, d’une surface d’environ 4 600 m², est divisé en deux zones pouvant être séparées par une cloison pare-feu pour limiter le risque de propagation d’incendie. Grâce à la propulsion nucléaire, qui supprime les encombrants conduits de fumée et d’aspiration d’air frais visibles sur les anciens porte-avions français, il a été possible d’utiliser la largeur maximale permise par les formes du bâtiment. De même, le positionnement de l’îlot vers l’avant a permis de placer deux ascenseurs à tribord, chacun desservant une zone du hangar. Chaque ascenseur, d’une capacité de 36 tonnes, peut desservir le pont d’envol en une minute. L’avitaillement des avions en carburéacteurs peut être effectué dans le hangar.
La longueur du hangar est de 138 m, sa largeur de 29 m et la hauteur utile sous plafond de 6 m.
Les aéronefs embarqués sont entretenus par le personnel technique des flottilles ou des services techniques d’une BAN, qui embarquent donc à chaque déploiement. Pour assurer leurs missions, des ateliers de maintenance, ainsi que des ateliers d’assemblage et de préparation des munitions, sont implantés sur le pont dit « du hangar ». Tout le pont du hangar a donc été dédié à l’aéronautique.
Ateliers de maintenance des aéronefs : les ateliers couvrent de nombreuses spécialités : mécanique, propulsion, hydraulique, électronique, moyens d’arrimage et même un atelier composite capable de réparer des éléments de cellule. Ils disposent d’importants moyens leur permettant de conduire des réparations à un niveau quasi industriel, grâce à la présence d’ateliers et de bancs d’essais, y compris pour les réacteurs M88 du Rafale.
Initialement il fallait pouvoir assurer plusieurs types d’avions composant le groupe aérien : Alizé ; Super-Etendard Modernisé (SEM), Rafale Marine, Hawkeye et quelques hélicoptères dont Pedro (sécurité des vols). La variété des équipements à bord de ses aéronefs imposait d’embarquer un très grand nombre de matériels lors des départs en mission de longue durée. L’adaptation au tout Rafale à l’occasion du récent ATM a permis de mieux optimiser les ateliers dédiés à leur maintenance. Des bancs permettent de tester les différents systèmes électroniques du Rafale et de définir rapidement les actions de maintenance à réaliser. La maintenance des avions de nouvelle génération est facilitée par l’électronique et le numérique. L’avion est ainsi doté d’un système intelligent qui détecte les pannes, y compris des évènements mineurs. Lorsque l’avion est de retour sur le Charles de Gaulle, ces données sont analysées. Du coup, les dépannages sont bien plus rapides, les mineurs étant réalisés sur le pont d’envol.
Ces interventions demandent de pouvoir disposer en magasin à bord d’un grand nombre de rechanges, soit environ 30 000 références et un million d’objets stockés.
Les munitions destinées à armer les avions sont stockées dans différentes soutes dans des zones renforcées sur le plan de la sécurité. Ce point est particulièrement examiné, compte tenu et de la nature des munitions et également de la présence de deux chaufferies nucléaires ayant des exigences sécuritaires fortes.
Ces soutes reçoivent 550 tonnes de munitions les plus diverses emmagasinées soit en coup complet soit en différentes tranches selon leur nature : GBU, AASM, Mica EM et IR, Exocet AM39, Scalp EG, ASMPA et obus de 30 mm. Les bombes et les missiles arrivent par des monte-charges spécifiques dans des ateliers de préparation et de contrôle, avant de pouvoir être acheminées vers le pont d’envol par deux monte-munitions.
L’armement en munitions des aéronefs en fonction des missions ne s’effectue que sur le pont d’envol lors de la préparation des pontées. Ces opérations particulièrement délicates sont confiées à du personnel spécialisé et formé, en particulier, à la sécurité.
En lire : l’hôtellerieL’hôtellerie, c’est environ 2 000 personnes qu’il faut pouvoir héberger, nourrir, soigner et distraire (avec des activités culturelles et sportives) pendant des périodes d’une durée de 45 jours sans ravitaillement. Un grand nombre des 2 638 locaux différents que compte le Charles de Gaulle assument ces fonctions et constituent un grand hôtel.
Les cuisines : elles sont au nombre de deux pour nourrir l’équipage et une cuisine annexe permet de traiter la table de l’Amiral et de son état-major lorsqu’ils sont à bord. Elles sont capables de de servir 3 800 repas, 1 800 petits déjeuners sept jours par semaine pendant 45 jours en autonomie complète.
La boulangerie : l’ensemble fournit de l’ordre de cinq cents kilos de pain sous forme de petits pains et cent kilos de baguettes par jour. La boulangerie fournit aux cuisines les fonds entrant dans la préparation des pizzas par exemple. La pâtisserie est équipée pour préparer six mille gâteaux et huit mille bases d’entrées chaudes par semaine et des croissants les dimanches et jours fériés.
Un office aviation est mis à la disposition du personnel aviation pour des consommations rapides à toute heure.
L’ensemble est placé dans la partie arrière du navire, selon le concept d’une verticale des vivres où se retrouvent les chambres froides de conservation, les différentes soutes, les réserves et cambuses, les cuisines et la boulangerie, la pâtisserie, puis les différentes salles de restauration selon les catégories constituant l’équipage. Il faut aussi y trouver les souillardes et le système de traitement des déchets. Lors de la conception, il a fallu inventorier l’ensemble des besoins de cette fonction capitale : approvisionnement, stockage selon la nature des ingrédients, préparation, distribution et traitement des différents déchets.
L’hébergement : Compte tenu des contraintes imposées par la propulsion nucléaire, l’hébergement est réparti dans les zones avant et arrière du bâtiment. Au cours de la construction, il a fallu réaménager les locaux pour intégrer une féminisation de 10 % des effectifs, soit environ deux cents personnes à loger.
Il a fallu également essayer d’atténuer les nuisances sonores dans les logements, en particulier pour ceux qui se trouvent sous le pont du hangar.
Les catapultes : la France ne réalise que rarement des porte-avions et les techniques ont nécessairement évolué en près de quarante ans. Ce fut le cas pour les catapultes. Le support britannique ayant disparu et le développent d’une catapulte en France écarté pour des raisons de coût, il a fallu avoir recours aux Américains, seuls au monde à cette époque à disposer de catapultes à vapeur. Toutefois, le parc aérien français de l’époque étant fort différent, il a été nécessaire de définir les adaptations à apporter au système C 13 US et d’effectuer les qualifications correspondantes dans des centres d’essais d’outre-Atlantique. L’accueil dans ces centres fut remarquable, les Américains ayant été souvent surpris des missions qui avaient pu être accomplies par les porte-avions Clemenceau et Foch.
La récente transformation du Charles de Gaulle en tout Rafale a beaucoup simplifié les manœuvres inhérentes aux différents types d’avions et, de ce fait, a accru la sécurité des catapultages.
En lire : les catapultesLes deux catapultes à vapeur installées sur le CDG découlent de celles d’origine britannique inventées par un marin de la Royal Navy, le commander Mitchell.
A la suite de l’abandon de la production de ces équipements par les Ecossais et en s’appuyant sur celles des Clemenceau et Foch, une étude a été conduite pour examiner si un centre de qualification qui aurait été installé à Istres pouvait être envisagé. Cette installation aurait également pu servir à la qualification des futurs avions embarqués. Devant la complexité de l’opération et surtout son coût, c’est finalement vers les Etats-Unis, seuls à disposer de tels équipements directement dérivés des catapultes à vapeur britanniques, que la France s’est tournée.
Le CDG devait être équipé de deux catapultes à vapeur d’une course de 75 m (90 m sur les porte-avions américains beaucoup plus longs, 50 m sur les porte-avions français anciens). Il est vrai que la masse des nouveaux avions à catapulter était de l’ordre de 25 tonnes, alors que l’expérience française était à l’époque limitée à des masses de 15 tonnes.
Très bien accueillis par les spécialistes US, nous avons eu la chance de pouvoir profiter d’un nouveau développement américain qui utilisait des cylindres de diamètre de 21 pouces au lieu des 18 pouces connus. Cette nouvelle configuration C 13-3 a apporté une marge importante pour les masses à lancer et l’accélération apportée par ces catapultes venant compenser et la course plus faible et la vitesse du navire limitée à 27 nœuds par rapport aux porte-avions américains mettant en œuvre des avions sensiblement plus lourds.
Dans une fosse placée sous le pont, deux lignes de cylindres, dont une génératrice est complétement ouverte, reçoivent la vapeur à partir de réservoirs remplis à 60 % environ d’eau chaude et de vapeur à haute pression fournies par les chaufferies nucléaires. Un dispositif astucieux placé entre les couvercles des cylindres permet de faire passer le croc de lancement et d’assurer l’étanchéité derrière les deux pistons. L’ensemble des pistons équipés d’un bélier, sorte de coin cylindrique, sur leur avant a une masse de l’ordre de 3,5 tonnes et est arrêté en fin de course dans des cylindres de freinage à eau sur une longueur de l’ordre de 1,5 m, ce qui impose de renforcer sensiblement la structure du bâtiment dans cette zone pour absorber des efforts pouvant atteindre l’ordre de 8 000 tonnes.
L’avion positionné sur une catapulte est relié au croc de lancement par une barre de traction placée sur le train avant (par une élingue pour le Super-Etendard), il est retenu par une autre barre équipé d’une pièce qui se désolidarise de la première pour une valeur de traction réglable et qui permet de résister à la mise en puissance des réacteurs du Rafale et au début de montée en pression derrière les pistons.
Des déflecteurs de jets, équipés de panneaux refroidis par circulation d’eau, sont relevés afin de protéger les zones du pont d’envol en arrière des catapultes.
Pour chaque lancement, la pression est réglée en fonction de la masse de l’avion à catapulter et du vent constaté sur le pont (vent météo plus vitesse du navire). Dès la libération de l’avion, l’accélération est forte et celui-ci est entraîné pendant environ 3 secondes pour atteindre des vitesses entre 120 et 150 nœuds, subissant des accélérations pouvant atteindre 5 g.La quantité de vapeur consommée à chaque lancement est en moyenne supérieure à 500 kg. Cette vapeur est souillée à chaque lancement et ne peut pas être réutilisée, ce qui a un impact sur le fonctionnement des chaufferies nucléaires. Chaque catapulte peut assurer un lancement toutes les minutes ; un avion peut donc être lancé toutes les 30 secondes.
En lire : l'aérodromeL’aérodrome doit intégrer tous les éléments qui constituent une base aérienne capable de mettre en œuvre une quarantaine d’avions, de les entretenir, de les avitailler en combustible et en munitions, de préparer les missions des pilotes et équipages à partir des informations fournies par ses propres senseurs et ceux de ses aéronefs embarqués mais aussi à partir de celles transmises par les navires constituant le groupe aéronaval ou les centres à terre de commandement.
Cet ensemble doit cohabiter, fonctionner en toute sécurité dans un espace relativement restreint. Une contrainte complémentaire était imposée pour la définition du porte-avions : le navire devait être construit dans le bassin 9 de l’arsenal de Brest, ce qui a imposé une contrainte pour le dimensionnement du projet.
Au sein de cet aérodrome, on doit y retrouver les pistes pour les catapultages et les appontages, une tour de contrôle assurant la mise en œuvre en toute sécurité du parc aérien dans l’environnement proche et sur le pont du porte-avions, des zones de parking des avions revenant de mission et ceux qui sont en préparation pour la mission suivante, mais également un hangar permettant d’assurer les opérations de maintenance des aéronefs, des soutes pour le combustible nécessaire aux avions et les postes de distributions, tant sur le pont d’envol que dans le hangar, des soutes de stockage des munitions ainsi que leurs ateliers d’assemblage, de test avant leur délivrance sur le pont d’envol et bien sûr les moyens de lutte à mettre en œuvre en cas d’accident d’avion ou de personnel, donc un hôpital. Il ne faut pas oublier les locaux dédiés aux flottilles embarquées, les salles de préparation des missions, une salle renseignement, le tout en liaison avec le centre opérationnel embarqué.
Lors des premières définitions de la plate-forme, la composition du parc aérien futur n’était pas connue. Il a donc été décidé de prendre le F 18 américain comme avion-enveloppe et également d’intégrer deux avions de guet et quelques hélicoptères.
La contrainte de la maîtrise des coûts était très prégnante tout au long de l’étude, puis lors de la réalisation.La sécurité des appontages
La phase d’appontage sur porte-avions est toujours une opération délicate pour un pilote rentrant de missions parfois fort longues. La sécurité est apportée par les officiers d’appontage. Lors de la conception du Charles de Gaulle, l’appontage automatique guidé laser a été un temps envisagé. L’objectif était de définir avec précision la position de l’avion par rapport à la trajectoire idéale élaborée par un calculateur intégrant la prédiction des mouvements de plate-forme à l’instant de l’accrochage du brin d’appontage. L’appontage automatique n’ayant in fine pas été retenu, il s’est avéré intéressant de pouvoir mettre à la disposition des officiers d’appontage les informations d’écart de l’avion en finale par rapport à l’axe idéal de descente calculé. C’est le système DALAS qui leur fournit ces informations.
En lire : les aides à l’appontageLes aides à l’appontage : Au début des appontages, les pilotes recevaient des informations à l’aide de raquettes mises en œuvre par des officiers d’appontage très expérimentés. L’arrivée des avions plus lourds, donc plus rapides, a conduit au développement de systèmes d’aide.
En premier lieu, les Britanniques ont mis en place un miroir concave qui réfléchissait une source lumineuse visible par le pilote.Les optiques d’appontages : Pour les Foch et Clemenceau, la société SAGEM a créé un dispositif à base de lentilles de Fresnel qui permettait d’élaborer un signal vu par le pilote et une barre de référence sur un support sommairement stabilisé, l’optique OP 3. Ce dispositif ancien, initialement installée sur le CDG, vient d’être remplacé par une nouvelle optique d’appontage IFLOPS (Improved Fresnel Lens Optical Landing System) réalisée par Safran.
Système DALAS : Le système dispositif d’aide laser (DALAS) est né d’un constat. Lors des appontages, les pilotes annonçant par radio à l’officier d’appontage l’acquisition du signal de l’optique à environ un nautique (1,852 km) sur l’arrière du porte-avions, l’idée était de localiser l’avion avec précision par trajectographie laser. Le dispositif utilise une diode laser de faible puissance pour des raisons de sécurité, qui accroche l’avion en début de phase d’appontage à environ un nautique sur l’arrière du porte-avions. Les calculs associés intégraient une prédiction de mouvement de la plate-forme. Il était même envisagé d’aller jusqu’à l’appontage guidé laser. Des vérifications avec l’avionneur montraient la possible faisabilité de cette option mais elle n’a pas été retenue.
En revanche, la présentation aux officiers d’appontage de l’information du positionnement de l’avion par rapport à l’axe idéal de descente calculé améliorait sensiblement la sécurité des approches finales, surtout par mauvaises conditions météo. Le prototype a été expérimenté à terre puis sur le Foch et mis en place sur le CDG. Un DALAS NG vient d’être installé à l’occasion de l’arrêt de longue durée.Appontage de nuit : De nuit, les avions sont guidés par radar pour leur approche jusqu’au visuel du signal de l’optique. C’est également le cas pour les appontages par mauvaise visibilité.
L’éclairage du pont et la matérialisation de l’axe de la piste oblique pour les appontages de nuit ont demandé beaucoup d’expérimentations (lièvre, prolongement des feux de l’axe sur l’arrière du navire, nature des lampes, etc.).En lire : les freins d’appontageLes freins d’appontage : les premiers dispositifs d’arrêt sur des plates-formes à la mer étaient constitués par des sacs de sable reliés par un câble au travers du pont.
Les dispositifs du CDG sont toujours basés sur le principe d’un câble dit « brin de pont » d’une longueur de 31 m et d’une circonférence de 4 pouce 1/4 placé au travers de la piste oblique, mais aujourd’hui ce brin est relié à une presse placée sous le pont d’envol par un câble de mouflage d’environ 270 m.
Des poulies de pont et sous le pont, dont certaines munies d’un amortisseur, permettent au câble de mouflage d’être enroulé sur les différentes poulies qui équipent la presse. Lors d’un appontage, la crosse de l’avion frappe perpendiculairement le brin de pont, générant une onde dans le brin et étirant les câbles, provoque le déplacement du piston mobile de la presse qui chasse un liquide hydraulique vers un accumulateur à air comprimé. La force de freinage est régulée par une vanne dite « de laminage » à section variable en fonction de la course sur le pont. Pour la remise en batterie de la presse sollicitée, l’énergie stockée dans l’accumulateur est utilisée. Les brins de pont, fortement sollicités, sont examinés à chaque appontage et remplacés fréquemment en cas d’usure ou de rupture des fils qui le constitue.
Le CDG est équipé de trois brins d’arrêt espacés de 13 m capables de recevoir des avions de masse élevés et ayant une vitesse par rapport au navire de l’ordre de 60 m/seconde. La troisième presse peut être équipée d’une barrière en cas d’impossibilité d’utilisation de la crosse de l’avion. La capacité de recueil est d’un avion par minute de jour et toutes les deux minutes de nuit.
Lors des appontages, le train principal est plaqué au pont et l’ancrage de la crosse sur l’avion impose un renforcement de la cellule de l’avion qui peut subir des décélérations de l’ordre de 4 g. Pour les calculs des structures de l’avion, la vitesse verticale au moment de l’accrochage est deux fois supérieure à celle retenue pour un atterrissage sur piste. Le train avant, fortement sollicité lors des catapultages, et les deux éléments du train arrière lors des appontages sont très résistants par rapport à ceux des Rafale de l’armée de l’Air.
Caractéristiques
- Dimensions et surfaces :
Longueur : 261,50 m
Largeur : 64,36 m
Largeur à la flottaison : 31,50 m
Hauteur : 75 m (comme l’arc de Triomphe ou un immeuble de 25 étages)
Tirant d'eau : 8,5 m (9,50 m à pleine charge)
Surface totale : 82 800 m², dont
o pour les missions : 38 000 m² (36 000 m² pour l’aviation)
o plate-forme : 24 500 m²
o fonctions vie : 13 000 m²
o énergie propulsion : 7 300 m²
Surface du pont d'envol : 12 000 m² (soit 2 terrains de football)
Surface du hangar aéronefs : 4 600 m² - Déplacement : 42 500 t à pleine charge, dont
o enveloppe globale : 20 000 t
o appareil propulsif : 6 000 t
o carburéacteur : 3 400 t
o munitions : 500 t
o vivres pour 45 jours d'autonomie : 550 t - Motorisation et performances :
Propulsion : 2 chaudières nucléaires K15 de 150 mégawatts thermiques
Puissance électrique installée : 21 000 kW, dont :
o 4 turboalternateurs de 4 MW
o 4 diesel-alternateurs de 1 MW
o 4 turbines à gaz de 250 kW
Puissance maximale sur les lignes d’arbres : 83 000 ch
Vitesse maximale : 27 nœuds ou env. 50 km/h (atteinte en 7 mn)
Capacité de mobilité : > 1 000 km / jour, sans limitation de durée grâce à la propulsion nucléaire
Emport de gazole pour les navires du GAN : 1 000 t - Caractéristiques aéronautiques et militaires
Capacités aéronautiques :
o 40 aéronefs de type Rafale Marine F3
o 2 avions de guet Hawkeye
o hélicoptères :
- 1 Caïman Marine et 1 AS565 Panther ISR
- 2 AS365F Dauphin (Pedro) et autres hélicoptères en fonction des missions (Cougar, Carcal ou Alouette 3)
Nombre maximal de missions avions : 100 vols / jour pendant 7 jours
Capacité de catapultage : 1 avion toutes les 30 sec
Capacité d’appontage : 1 avion toutes les minutes de jour et toutes les 2 minutes la nuit
Emport de munitions : 550 t
Emport de carburant d’aviation : 3 400 t ou 4 250 m3
Témoignages
Pierre MONTELESCAUT
Ingénieur général de l’armement (2S) et 4ème directeur de programme
20 ans après, ou les mémoires d’un DP du PA Charles de Gaulle. Pour un programme destiné à fournir un produit d’envergure inégalée en un exemplaire unique, il aurait été exaltant...Pierre MONTELESCAUT
20 ans après, ou les mémoires d’un DP du PA Charles de Gaulle.
Pour un programme destiné à fournir un produit d’envergure inégalée en un exemplaire unique, il aurait été exaltant d’être parmi les acteurs de son lancement ou de sa livraison aux forces. Bien qu’étant parmi ses DP celui qui a eu la plus grande longévité, je n’ai pas eu cette opportunité. J’ai néanmoins vécu de nombreux évènements/jalons aussi marquants et mémorables que la première sortie de bassin, l’embarquement des « œufs » autrement dit des réacteurs nucléaires dans leur enceinte de confinement ainsi que celui de l’îlot, la mise à flot en présence du Président de la République.
On ne vit pas huit ans dans l’équipe de programme sans quelques souvenirs marquants :
- Il y eut des évènements difficiles à gérer comme celui de la réponse aux exigences de sûreté nucléaire formulées, alors que la coque du PA flottait déjà, et impliquant des reprises importantes de conception, ou celui d’une gestion cohérente des à-coups de financement qui, l’un comme l’autre, mettaient à rude épreuve la sacro-sainte devise des DP : « maîtrise des coûts, des délais, et des performances ». Mention spéciale pour une enquête de la Cour des comptes qui a mobilisé le DP et son adjoint financier pendant de nombreux mois.
- Heureusement, la race des DP est de nature optimiste ; la résolution des difficultés - quelles qu’elles soient - est leur raison d’être et la source de leur satisfaction. Celle-ci a été d’autant plus aisée qu’un véritable esprit d’équipe animait l’ensemble des acteurs du programme (marins, ingénieurs, industriels, etc.). Quelques séances de « cohésion » à bord des goélettes ou à Porquerolles l’ont montré s’il en était besoin. Cet esprit était de mise pour harmoniser des interfaces assez complexes avec les nombreux programmes dont le Rafale n’était pas des moindres.
Avec le recul du temps, les DP et l’ensemble des équipes qui ont contribué à la construction du Charles de Gaulle peuvent se flatter d’une réussite réelle au vu des résultats probants de sa première mission de longue durée effectuée dès 2002 (mission Hérakles) loin du port base (alors qu’elle était considérée comme enveloppe donc comme une des plus difficiles pour un équipage aguerri), suivie par un emploi intensif et par des périodes d’entretien bien anticipées. Plus subjectivement, le revirement d’une presse longtemps hostile en est un témoignage indirect.
Pour ce qui est du résultat coût/délais/performances, le bilan qui en a été fait par mon successeur montre que le programme n’a pas à rougir, bien au contraire, de la comparaison avec d’autres grands ouvrages nationaux.
Xavier LEBACQ
Ingénieur général de l’armement (2S) et 5ème directeur de programme
PA CDG : le défi des interfaces. Concevoir et construire un porte-avions n’est pas chose courante et l’expérience acquise lors de la construction des Foch et Clemenceau était déjà...Xavier LEBACQ
PA CDG : le défi des interfaces.
Concevoir et construire un porte-avions n’est pas chose courante et l’expérience acquise lors de la construction des Foch et Clemenceau était déjà fort ancienne quand les premières tôles du Charles de Gaulle furent posées. Heureusement, nous avions encore des ingénieurs, techniciens, ouvriers et marins qui les avaient entretenus et exploités. La capitalisation de l’expérience est essentielle pour des objets aussi complexes en osmose permanente avec un équipage de près de 2 000 membres.
La réalisation du Charles de Gaulle a surtout souffert de l’étalement du programme pour des raisons budgétaires. Plusieurs équipes de programmes ont dû se passer le relais et ajuster au passage la conception à l’évolution des normes de toutes natures pendant près de 20 ans. Ainsi, le durcissement des normes européennes de limitation des rayonnements ionisants pour le personnel a conduit à un alourdissement du navire et donc à un dessin de plus en plus sophistiqué des hélices et aux limites de leur faisabilité en fonderie...
Plusieurs équipements du bâtiment ont dû être remplacés pendant la construction pour tenir compte de l’évolution des technologies, à l’exemple des armoires de commandes des turbines à gaz de génération électrique de grand secours.
Les équipes avaient à prendre en compte de nombreuses innovations, telle l’installation de compensation de gîte, mais aussi les nouveautés que représentaient la propulsion nucléaire, les Rafale en développement, l’E2C (avion de guet américain), de nouveaux hélicoptères, de nouvelles munitions et missiles ainsi qu’un nouveau système d’armes et de commandement à la pointe de la technologie de l’époque.
Tout cela dans un volume restreint conditionné par les dimensions de nos bassins de radoub militaires. Le porte-avions a donc été un casse-tête d’enchevêtrement d’interfaces de toutes natures. Les risques que présentaient ces interfaces auraient rendu problématique la maîtrise d’œuvre d’ensemble du programme par l’industrie, d’autant que les arsenaux de la direction des constructions navales migraient en fin de construction vers une structure semi-étatique DCNS, puis aujourd’hui au sein de Naval Group.
Cette évolution a certes compliqué encore la conduite du programme, mais elle a été salutaire pour mettre à plat la conception du porte-avions et corriger une grande partie des oublis ou erreurs passées.
Nombre de ces ajustements, normaux pour un prototype, ont été menés à la vue de tous, car le chantier du porte-avions ne passait pas inaperçu au sein de l’arsenal brestois et l’usage des téléphones portables se répandait partout… La presse s’était ainsi déchaînée sur ces ajustements, à l’exemple de l’allongement du pont.
L’essentiel est d’avoir réussi à vaincre toutes les difficultés grâce à une coopération sans faille entre les équipes étatiques, industrielles, nos marins et aviateurs. La capitalisation de l’expérience de réalisation du porte-avions Charles de Gaulle ne doit pas être mise au placard, mais doit servir pour la conception d’un nouveau porte-avions. Je suis convaincu que d’anciens ingénieurs et marins seraient prêts à faire bénéficier la DGA de leurs acquis.
Richard WILMOT-ROUSSEL
Vice-amiral d’escadre (2S), ex-officier de programme (1992-1996) et premier commandant (1997-1999)
Le PA CDG, le plus petit des grands PA... La réflexion sur le renouvellement des PA Clemenceau et Foch a eu lieu en pleine guerre froide. La marine britannique avait déjà effectué ce travail...Richard WILMOT-ROUSSEL
Le PA CDG, le plus petit des grands PA...
La réflexion sur le renouvellement des PA Clemenceau et Foch a eu lieu en pleine guerre froide. La marine britannique avait déjà effectué ce travail et avait conclu que leurs « grands » porte-avions post-Deuxième Guerre mondiale avec catapultes et brins d'arrêt ne correspondaient plus au besoin opérationnel du moment. On était passé de moyens de soutien de nos colonies lointaines à un besoin de défense aérienne rapprochée des convois qui traverseraient l'Atlantique d'ouest en est pour renforcer rapidement les moyens de défense du Vieux Continent. Le choix de la marine britannique s'est donc porté sur des petits porte-aéronefs (le vocabulaire a son importance) sur lesquels étaient embarqués des avions à décollage court (ski-jump) et atterrissage vertical (Sea Harrier) avec comme première mission la défense aérienne de la force navale. Ce choix s'est avéré totalement inadapté pendant la guerre des Malouine (1982) qui aura été pratiquement la seule occasion pour le Royaume Uni de déployer des porte-avions pour une mission de guerre avant la chute du Mur. En effet, les Super-Étendard argentins, équipés du missile AM39, ayant un rayon d'action supérieur aux Harrier britanniques, auraient empêché, s’ils avaient été déployés aux Malouines, l'amiral Woodward, commandant la flotte britannique, de s'approcher des îles sans prendre de risques majeurs. Ce choix de petits porte-avions d'escorte par une marine de capacité mondial qui avait tout inventé sur ce type de plate-forme - piste oblique, catapultes (sur les Clemenceau et Foch les catapultes étaient anglaises), miroir d'appontage, brins d'arrêt - a pesé sur le choix français. Cependant, les défenseurs d'un PA de "haute intensité" en France ont trouvé les bons arguments pour ce choix, essentiellement sur l'imprévisibilité des opérations à l'horizon 2040 (qui peut le plus, peut le moins...) et l'encouragement bienveillant de la marine américaine de rester dans la cour des grands...
Le programme de deux porte-avions de type "Charles de Gaulle" est donc lancé (le dossier de lancement a été signé par Paul Quilès le 04 février 1986), il a été confirmé par le gouvernement de Jacques Chirac en 1986, qui a eu l'excellente idée de le débaptiser, car le nom précédent « le Richelieu » n'aurait certainement pas contribué à rendre ce projet irréversible par toutes les tendances politiques françaises qui se sont succédé au gouvernement...
On ne parle pas convenablement de porte-avions si on n'évoque pas en parallèle le Groupe Aérien Embarqué (GAE). A cette époque, le début des années 80, le lancement d'un Avion de Combat Européen (ACE) est en discussion. Dassault Aviation serait l'architecte/intégrateur pour la cellule et le système de combat et Rolls Royce le maître d'œuvre du moteur. Cette répartition industrielle n'est finalement pas acceptée par la France craignant que son motoriste Snecma perde du savoir-faire. Un programme franco-français le Rafale est donc décidé avec un premier vol du démonstrateur Rafale A (l’ACX alors démonstrateur) en 1986, soit simultanément avec le lancement du CDG. Ceci est important, car la finalité d'un porte-avions est bien d'optimiser ses capacités pour mettre en œuvre le moyen de projection de puissance qui est son groupe aérien GAE. Le PA CDG qui attend toujours son sister-ship prévu dans le lancement du programme, va marquer un tournant majeur dans les nouvelles capacités opérationnelles obtenues par rapport au Foch/Clemenceau. Sans faire une liste indigeste, voici quelques éléments fondamentaux qui s'appuient essentiellement sur de nouveaux équipements et technologies comme de nouvelles catapultes et brins d'arrêt, une propulsion nucléaire plus compacte que des chaudières classiques, une récupération de gîte et une stabilité de plate-forme (SATRAP) tournée vers les opérations aériennes, un système de combat qui intègre parfaitement l'éclairage exceptionnel de l'avion Hawkeye et la mission de projection de puissance des Rafale :
- le doublement de la capacité de puissance: une trentaine de Rafale de plus de 10 tonnes de capacité opérationnelle (différence entre masse à vide et masse maximale catapultable) pour une trentaine de SEM de 5 tonnes de capacité opérationnelle ;
- un pont d'envol optimisé pour les manœuvres aviation, même si la longueur du bâtiment construit à Brest n'a pas permis l'utilisation d'une catapulte pendant les appontages (chevauchement de lignes de sécurité) ;
- une capacité à opérer dans des mers plus fortes grâce au SATRAP ;
- un système de combat intégré qui prend en compte les performances de tous les capteurs, ceux de la plate-forme mais également ceux du GAE ;
- une interopérabilité avec l'US Navy qui permet d'accueillir des avions des GAE américains et réciproquement ;
- une autonomie exceptionnelle qui donne une souplesse « opérationnelle » déterminante dans la conduite des opérations ;
- un soutien du GAE qui lui permet de rester en mer pendant de très longues périodes, en ayant la possibilité d'exécuter des opérations de maintenance en profondeur ;
- également des conditions de vie à bord qui, même si elles ne peuvent pas suivre en continu ce qui se passe à terre, ont pris en compte un déploiement maximal d'un an.
Tout ceci n'aurait jamais pu être réalisé si les différents responsables de la maîtrise d'ouvrage étatique (états-majors et DGA), de la maîtrise d'œuvre industrielle (ils sont trop nombreux pour les citer et je ne souhaite pas oublier le plus « petit » d'entre eux) n'avaient pas travaillé dans une coopération intelligente, c'est-à-dire faite de compromis et non de compromission. Un mot encore sur le premier équipage représentant toute la marine, de surface, de la composante sous-marine, de l'aéronautique navale et de la maison fusiliers qui a mis en commun le « must » de chacune des spécialités qu'il représentait, mettant de côté les querelles de clochers. Enfin un dernier mot de mes amis de la marine américaine qui m'ont souvent dit avec bienveillance qu'il était impossible dans 40 000 tonnes d'intégrer 30 chasseurs de 30 tonnes avec leur armement et leur carburant, deux chaufferies nucléaires et une ville de 2 000 habitants. En leur faisant découvrir le CDG pendant les essais, ils n'ont eu qu'un mot : c'est l'incroyable, c'est la « french touch » !
Edouard GUILLAUD
Amiral (2S), ex-chef d’état-major des armées et deuxième commandant (1999-2001)
PA CDG, premiers tours d’hélices On reconnait souvent les grands hommes à leur capacité à surmonter les épreuves, à leur résilience. Il en est de même pour les grands programmes. A...Edouard GUILLAUD
PA CDG, premiers tours d’hélices
On reconnait souvent les grands hommes à leur capacité à surmonter les épreuves, à leur résilience.
Il en est de même pour les grands programmes. A cette aune, celui du Charles de Gaulle est au sommet. Tous se souviennent des péripéties, grandes ou petites, qui ont fait les choux gras de la presse à la fin des années 90. Mais on a oublié le nombre invraisemblable de délégations de tout type qui sont venues visiter le chantier et ont navigué pendant les essais à la mer. Plusieurs milliers de personnes qui toutes ont dû montrer patte blanche. C’était bien la preuve de l’intérêt et de la fascination éprouvés face à une excellence technologique incontestable.
Le résultat de cette gestation compliquée a largement été à la hauteur des espérances, comme en témoigne le nombre impressionnant de déploiements opérationnels de 2001 à 2017, plus d’une dizaine, avant l’entrée en Arrêt Technique Majeur pour sa modernisation-refonte à mi-vie. Tous ces déploiements ont été des réussites militaires et ont forcé l’admiration de nos alliés.
Si l’aventure a débuté au début des années 80 avec planches à dessin, réunions entre ingénieurs et marins et étude des réalisations étrangères, elle a pris une forme très palpable à la Prise d’Armement pour Essais en février 1997 et à l’arrivée du premier équipage. Il gelait à pierre fendre, mais la glace sur le pont d’envol encore brut n’a pas empêché toute l’assistance d’éprouver une intense émotion : ingénieurs, techniciens et ouvriers de DCN Brest, la direction de programme venue de Balard, les autorités maritimes et bien sûr l’équipage qui logeait encore à terre.
Les essais à quai ont été la première occasion de se familiariser avec des technologies, des méthodes de travail nouvelles, justifiées par la taille du navire, sa propulsion nucléaire comme son programme militaire très ambitieux : jusqu’à cent vols de combat par 24 heures pour un porte-avions embarquant au maximum 40 aéronefs.
Bien sûr la naissance du mastodonte ne s’est pas faite sans quelques frayeurs depuis les vitres de la passerelle qui déformaient la vision jusqu’aux vibrations initiales vite corrigées au bassin. Il a fallu à chaque fois trouver des solutions qui respectaient le triptyque de tout programme : coûts-délais-performances. C’est la réussite commune du chantier et de l’équipage d’avoir tout surmonté. La longueur de la piste oblique a fait couler beaucoup d’encre, alors que la question était connue et la solution identifiée depuis longtemps : une communication tardive et insuffisamment coordonnée entre toutes les parties prenantes (EMM, STCAN et DCN) a laissé grossir à outrance un bout de pont de cinq mètres et vingt-cinq tonnes qui ont été greffés pendant une courte période d’entretien au milieu des essais à la mer.
D’autres péripéties ont été plus savoureuses : la venue à bord du CJCS, Chairman of the Joint Chiefs of Staff américain (CEMA), pour lequel le protocole français exigeait une dispense de « badgeage » au franchissement de la coupée et l’absence de casque de chantier. Nous avons refusé le moindre passe-droit au nom de la sécurité et de la sûreté. Le général Hugh Shelton a apprécié, et remarqué à l’issue de sa visite le sérieux avec lequel le contrôle des accès était fait sur un bâtiment à propulsion nucléaire…
Autre visite marquante, celle du vice-président de la Commission militaire centrale du parti communiste chinois, dernier survivant de la Longue Marche. Les ascenseurs étant encore en montage, le vaillant octogénaire a grimpé les huit ponts, accompagné de son médecin, pour accéder au pont d’envol ; nous avons craint un incident cardiaque à l’arrivée. Il nous a annoncé la prochaine montée en puissance de la marine chinoise et s’est dit prêt à acheter l’ex-Clemenceau (comme il avait essayé d’acquérir le Forrestal américain deux ans plus tôt). Aujourd’hui, deux porte-avions chinois sont en service et d’autres sont en construction.
Dominique Voynet, ministre de l’Environnement, pacifiste et adversaire affichée de l’énergie nucléaire, a tenu à visiter le chantier. En accord avec la DGA et DCN, nous avons choisi de mettre les petits plats dans les grands, en la faisant pénétrer dans l’enceinte de confinement des réacteurs, puisque le combustible n’avait pas encore été chargé. Le Livre d’or lui a été présenté à la sortie du sas et elle a eu l’élégance d’écrire à quel point elle avait été impressionnée, même si elle n’était toujours pas séduite.
Le test des catapultes a été effectué à quai. Très impressionnant, utilisant des maquettes de l’US Navy avec des réglages volontairement extrêmes (masse de 36 tonnes à 150 nœuds en sortie de pont…), il a offert un superbe spectacle aux badauds avec des gerbes hautes de plus de quinze mètres. Mais il a donné lieu à quelques frayeurs rétrospectives, lorsque l’une des maquettes a ricoché tel un galet et a fini sa course à toucher une porte de bassin quelques centaines de mètres plus loin.
Les essais à la mer ont enfin débuté à la fin de 1998. L’équipage d’armement accueille alors avec joie les 300 membres du groupe aérien embarqué, pour ne plus former qu’un seul ensemble homogène. Le premier franchissement du goulet de Brest a été fait avec l’assistance de deux remorqueurs de haute mer, dont la célèbre Abeille Flandres, sûreté nucléaire oblige. Sitôt au sud de la pointe Saint-Mathieu, le porte-avions a navigué seul, dans un silence religieux. A bord, à la passerelle comme dans les postes de quart ou les coursives, chacun retenait son souffle et éprouvait dans ses jambes ce que les marins connaissent bien : les mouvements souples du navire qui s’ébroue dans une houle modérée. Instant ineffable de communion entre l’Homme et sa Créature : la Machine.
Le rythme des essais, déjà élevé à terre, s’est encore accéléré en ne laissant aucun répit, même la nuit. Personne ne s’en est plaint, tant le désir de découvrir les capacités réelles du nouveau porte-avions était partagé par tous. Les premiers appontages sont arrivés très vite, avec un Super-Etendard d’abord puis le Rafale et enfin le Hawkeye (avant l’allongement de la piste oblique…).
La manœuvrabilité du porte-avions s’est révélée tout bonnement exceptionnelle, très au-delà des espérances et meilleure que celle de ses prédécesseurs, pourtant considérée comme remarquable. Manœuvrant sans vent jusqu’à 4 nœuds (contre 7 auparavant), virant beaucoup plus sec que ses frégates d’accompagnement, sans jamais de gîte supérieure à 1,5° (permettant de travailler sur les avions) dans les changements de cap les plus serrés, avec un taux de giration très élevé, tous éléments essentiels pour la mise en œuvre de l’aviation par mauvais temps, en eaux resserrées, sous urgence opérationnelle. L’équivalent d’un gain de temps d’une quinzaine de minutes de préparation par pontée, plusieurs heures par jour au total.
Les visites ont continué à un rythme soutenu. Deux d’entre elles ont plus particulièrement marqué : celle de grands patrons du MEDEF et celle d’enfants soignés à l’Institut Gustave-Roussy. La première a été l’occasion d’une passe d’armes mémorable entre PDG au sujet du récent vote de la loi sur les 35 heures ; certains y voyaient une catastrophe, d’autres l’occasion de remettre à plat les relations au travail. Discussion qui paraissait surréaliste à l’équipage et aux ingénieurs et techniciens chargés des essais : à ce compte, nous commencions notre deuxième semaine dès le mardi soir…
La visite des enfants atteints de cancer, arrivés par hélicoptère et débarqués à quai, a été un autre moment très fort pour tous. A la bienveillance des hôtes ont répondu les regards émerveillés d’adolescents pour qui un rêve se réalisait.
Le sommet des essais a été atteint par la réalisation des « essais militaires du type », selon la terminologie alors en vigueur. Depuis la résistance au grenadage jusqu’au fonctionnement en mode dégradé (par exemple avec une seule ligne d’arbre, etc.), tout doit être vérifié, analysé et éventuellement rectifié. Mais le juge de paix était sans conteste le test des 100 vols opérationnels en 24 heures, gravés dans le marbre au lancement du programme en 1986. Performance irréalisable avec les prédécesseurs. Il faut imaginer la ruche que représente sur le pont, dans les soutes à munitions, les hangars et les ateliers l’entretien, l’armement, le ravitaillement et la remise en vol d’avions armés, sans oublier l’ensemble de la chaîne opérationnelles avec la préparation des missions, les briefings et débriefings. Et une météo pas trop défavorable… 1 500 homme tendus vers un seul but : réussir ce qui semblait inaccessible à beaucoup. Le pari fut gagné, non sans efforts, et l’essai validé.
Une récompense inattendue : nous sommes à la mer le 2 juillet 2000 lorsque la France remporte le championnat d’Europe de football. Dans le hangar aménagé pour l’occasion (grand écran, groupes musicaux du bord, rock et folklorique), l’ambiance est indescriptible pour la diffusion de la finale en direct par satellite. Le Golfe de Gascogne est clément, la température douce, les portes des hangars ouvertes : les poissons ont dû se demander ce qui se passait dans le grand navire qui avançait doucement au-dessus d’eux… le retour à Brest est euphorique, les essais vont se terminer en beauté.
Il pouvait maintenant rejoindre son port d’attache de Toulon pour préparer sa Traversée de Longue Durée et, à l’issue, sa qualification opérationnelle complète.
A l’entrée en Méditerranée, l’amiral commandant sud de l’OTAN a envoyé depuis Naples le message suivant, qui a fait rougir de plaisir équipage et groupe aérien : « welcome in the true world of real aircraft carriers ». Tout était dit, il restait maintenant à « délivrer », comme on dit dans les états-majors.
Toulon nous accueille en grande pompe et les visites continuent, à la plus grande fierté de tous : nous croyons alors que le plus dur est derrière nous et la fierté de présenter un tel navire de combat est immense. Patrick Boissier, PDG des Chantiers de l’Atlantique, vient découvrir le porte-avions ; il peut à juste titre comparer les méthodes de construction entre grands paquebots et porte-avions et suggérer des optimisations. Pourtant, à la fin de sa visite de la quille à la pomme de mât, sa conclusion est sans appel : « visiter un tel navire, ça rend humble ». Quel compliment de la part du patron d’un des chantiers les plus réputés du monde !
Appareillage de nuit pour une TLD en Méditerranée et Atlantique et de premiers exercices avec nos homologues de l’US Navy. Le Graal de l’admission au service actif est à portée de main, tout commence bien. L’impensable se produit : l’hélice bâbord casse dans la nuit du 9 au 10 novembre 2000, triste trentième anniversaire de la mort du Général. Le dernier avion a apponté trente minutes plus tôt… A 22 nœuds, le navire se cabre et rue, nous stoppons, les plongeurs rendent compte : une pale a cassé net. Il est 22h18 au large de la Guadeloupe. Ultime épreuve qu’aura subie le porte-avions, comme s’il fallait qu’il eût connu toutes les avanies possibles avant son admission au service actif pour en être préservé à l’avenir. La brillante carrière opérationnelle qu’il a ensuite menée en apporte peut-être la preuve. Nous rentrons à Toulon prématurément, meurtris mais pas abattus, sur une seule ligne d’arbre et à 17 nœuds ! L’activité aérienne a repris dès que les premiers aérodromes de déroutement ont été à portée de vol, au milieu de l’Atlantique. L’équipage et le groupe aérien ont conservé « le couteau entre les dents ».
Il faut rendre hommage à l’ingénieur, ou à l’équipe, qui a décidé très tôt que les moyeux des hélices seraient du même calibre que ceux du Clemenceau et du Foch. Nous récupérons deux hélices de rechange. A la fin du premier trimestre 2001, le porte-avions est de nouveau à la mer, avec des performances légèrement réduites en vitesse (1,5 nœud) mais une vitalité intacte. La qualification opérationnelle est acquise sans grande difficulté en dépit d’examinateurs à juste titre particulièrement exigeants.
Nous sommes fin prêts pour toute mission réelle et convaincus que le Charles de Gaulle est bien né : il a survécu à tout avec panache et est toujours ressorti plus fort.
Le grand exercice de printemps de l’OTAN en Méditerranée est l’occasion de nous mesurer aux marines alliées et d’échanger des officiers à l’issue. Le couple Charles de Gaulle - Rafale montre tout son potentiel. Face à de tels résultats, la stupéfaction des visiteurs venus du porte-aéronefs Principe de Asturias espagnol est réconfortante, elle est à la mesure de la réussite du double programme : immense.
A l’automne 2001, le porte-avions partira en océan Indien pour soutenir nos troupes engagées en Afghanistan. Ce sera sa première mission de combat.
Vie opérationnelle
Aspects économiques et implantations géographiques
La décision de doter la France de nouveaux porte-avions a été prise en conseil de défense en septembre 1980. La décision formelle de réaliser le porte-avions date de début février 1985 et la construction proprement dite du PACDG a commencé à Brest le 25 novembre 1987 pour s’achever en 1999 après les essais à quai.
Les essais à la mer incluant ceux de la mise en œuvre des différents aéronefs embarqués dont le Rafale se poursuivirent jusqu’à la mise officielle au service actif le 18 mai 2001.
C’est la Délégation générale pour l’Armement qui a commandité la construction au maître d’œuvre industriel, la Direction des Constructions Navales (DCN) qui était à cette période en son sein et qui a été transformée ensuite en société DCN SA puis DCNS et aujourd’hui Naval Group. La réalisation du navire a été confiée au site de Brest de DCN. Toutefois beaucoup des sites de cette société ont participé à cette œuvre commune ainsi que de nombreux partenaires industriels.
Sa réalisation a constitué un défi industriel auquel ont participé plus de 1 000 entreprises majoritairement françaises, européennes voire américaines, chargées de concevoir d’étudier et de réaliser les pièces de ce gigantesque puzzle constitué par plus d’un million de composants et de matériels. Citons en particulier, Technicatome, maître d’œuvre des chaufferies nucléaires K15.
La construction a représenté 25% de la charge de DCN Brest entre 1990 et 1996. La réalisation a mobilisé entre 1 000 et 1 200 personnes selon les périodes pour 13 millions d'heures de travail, 2 millions d'heures d'études et 11 millions d'heures ; mais n’apparaissent pas dans ces chiffres les heures de fabrications réalisées par les différents industriels partenaires.
La complexité du projet peut être mesurée par les 200 000 matériels intégrés, représentant de l’ordre d’un million d’objets, dans plus de 2 500 locaux. En outre ce sont 1 200 km de câbles et 300 km de tuyauterie qui cheminent à travers le bâtiment. Plus de 10 000 plans et 3 000 contrats ont été nécessaires à la réalisation du « Charles de Gaulle ».
Son prix de réalisation est de 20 milliards de francs, soit environ 3 milliards d’euros, il y après de 20 ans, ce qui est peu par rapport aux avantages diplomatiques et défensifs qu’il peut donner à la France et à l’Europe.
Le CDG vient d’achever une période d’arrêt de longue durée pour remise à niveau de son système de combat afin d’assurer une activité opérationnelle efficace pour les nombreuses années prochaines. Cet arrêt de 18 mois était programmé, outre la modernisation de son système de combat, afin de remplacer le combustible nucléaire des deux chaufferies ainsi que les opérations de maintenance des différents systèmes embarqués fortement sollicités depuis la mise en service de ce bâtiment dont certains de technologie datant des années 1980.
Anecdotes
La communication pour un bâtiment hors du commun
Certains sujets sont trop sensibles pour être traités « comme d’habitude ». Cela a été le cas pour le choix du motif symbolique (alias tape de bouche) qui serait indissociable du nom de baptême du porte-avions ainsi que du décorum retenu pour une cérémonie « de mise à flot » présidée par la plus haute personnalité de l’Etat. L’un comme l’autre ont été mis à « concours » et des jurys impartiaux ont retenu pour l’un la...
La communication pour un bâtiment hors du commun
Certains sujets sont trop sensibles pour être traités « comme d’habitude ». Cela a été le cas pour le choix du motif symbolique (alias tape de bouche) qui serait indissociable du nom de baptême du porte-avions ainsi que du décorum retenu pour une cérémonie « de mise à flot » présidée par la plus haute personnalité de l’Etat. L’un comme l’autre ont été mis à « concours » et des jurys impartiaux ont retenu pour l’un la « médaille » ci-dessus pour l’autre la scénographie du dévoilement de préférence à d’autres plus risquées et finalement moins spectaculaires comme par exemple une course de chevaux au galop sur le pont d’envol !!
Nom du porte-avions
En 1980 à l’issue du conseil de défense présidé par Valéry Giscard d’Estaing, les deux porte-avions alors envisagés devaient porter le nom d’une province maritime française (Provence et Bretagne). En 1986, lors de la signature de la dépêche ministérielle ordonnant la construction du premier porte-avions, le nom choisi était « Richelieu » nom traditionnel dans la Marine pour des bâtiments importants honorant la mémoire du cardinal de Richelieu, homme politique...
Nom du porte-avions
En 1980 à l’issue du conseil de défense présidé par Valéry Giscard d’Estaing, les deux porte-avions alors envisagés devaient porter le nom d’une province maritime française (Provence et Bretagne). En 1986, lors de la signature de la dépêche ministérielle ordonnant la construction du premier porte-avions, le nom choisi était « Richelieu » nom traditionnel dans la Marine pour des bâtiments importants honorant la mémoire du cardinal de Richelieu, homme politique illustre de l’histoire de France, principal ministre de Louis XIII et créateur de l’essor d’une Marine nationale. Le projet a été renommé Charles de Gaulle l’année suivante par le Premier ministre de l’époque, Jacques Chirac.
Perte de l’hélice
Durant la nuit du 9 au 10 novembre 2000, alors que le porte-avions naviguait en Atlantique ouest, une pale de l’hélice bâbord se brisa et le porte-avions du retourner à Toulon pour remplacer l’hélice défectueuse. Les hélices dessinées par calcul pour obtenir un meilleur rendement étaient difficilement réalisables par l’industriel. On s’aperçut que les hélices de remplacement comportaient les mêmes défauts de structures (défauts survenant lors du refroidissement du...
Perte de l’hélice
Durant la nuit du 9 au 10 novembre 2000, alors que le porte-avions naviguait en Atlantique ouest, une pale de l’hélice bâbord se brisa et le porte-avions du retourner à Toulon pour remplacer l’hélice défectueuse. Les hélices dessinées par calcul pour obtenir un meilleur rendement étaient difficilement réalisables par l’industriel. On s’aperçut que les hélices de remplacement comportaient les mêmes défauts de structures (défauts survenant lors du refroidissement du métal coulé dans le moule. Grâce à l’ingéniosité d’un ingénieur ayant prévu de retenir à l’identique le cône de liaison hélice/ligne d’arbre que celui des Foch et Clemenceau, les hélices de ces derniers purent être utilisées avec une limitation temporaire des performances assumées du navire dans l’attente de pouvoir rééquiper le bâtiment de nouvelles hélices.
Tirs de catapulte à Cadarache
Des essais de fonctionnement en condition limite des réacteurs nucléaires ont été effectués à l’échelle de la chaufferie expérimentale de Cadarache. Il s’agissait de débiter, dans un créneau de 15 secondes et à une cadence de tir de un coup à la minute, la vapeur nécessaire à une catapulte en sus de celle permettant le fonctionnement normal du PA à sa vitesse Max. Le résultat visible se traduisait par un nuage torique de 300 kg de vapeur qui s’élevait dans le ciel...
Tirs de catapulte à Cadarache
Des essais de fonctionnement en condition limite des réacteurs nucléaires ont été effectués à l’échelle de la chaufferie expérimentale de Cadarache. Il s’agissait de débiter, dans un créneau de 15 secondes et à une cadence de tir de un coup à la minute, la vapeur nécessaire à une catapulte en sus de celle permettant le fonctionnement normal du PA à sa vitesse Max. Le résultat visible se traduisait par un nuage torique de 300 kg de vapeur qui s’élevait dans le ciel provençal, de quoi rendre jaloux les meilleurs amateurs de cigare.
Le 14 juillet à Lakehurst
Dans le cadre d’une coopération avec la Marine Américaine la mise en œuvre du Rafale Marine par des installations à terre représentatives de celles du pont d’envol du PA Charles de Gaulle a donné lieu à plusieurs campagnes d’essais dans un centre d’expérimentation de l’US Navy situé à Lakehurst (N-J). L’une de ces campagnes se déroulait à cheval sur un 14 juillet. Jour de travail normal aux US il y avait essai « as usual » mais pour...
Le 14 juillet à Lakehurst
Dans le cadre d’une coopération avec la Marine Américaine la mise en œuvre du Rafale Marine par des installations à terre représentatives de celles du pont d’envol du PA Charles de Gaulle a donné lieu à plusieurs campagnes d’essais dans un centre d’expérimentation de l’US Navy situé à Lakehurst (N-J). L’une de ces campagnes se déroulait à cheval sur un 14 juillet. Jour de travail normal aux US il y avait essai « as usual » mais pour saluer cette journée mémorable le Rafale avait été muni du dispositif équipant la patrouille de France lors du défilé du 14 juillet à Paris. Que n’avions-nous pas commis ? L’épandage d’un colorant sur une zone dotée d’un classement écologique sévère. Ce n’est qu’après avoir prouvé l’innocuité notre nuage tricolore que la sérénité est revenue sur notre pont d’envol en béton.
Tout le monde sur le pont (d’envol)
Le 11 aout 1999 dans la journée le PA en sortie d’essais est en mer au large de Belle Ile. Mais quels essais ?? Le pont est inhabituellement désert quand soudain un afflux en grand nombre de personnels envahit le pont d’habitude réservé aux avions et aux quelques initiés dont la présence y est justifiée. Ils sont tous munis de lunettes bizarres fournies par le bord. Eh bien non les essais avias sont suspendus pendant les quelques minutes qui vont permettre d’observer une...
Tout le monde sur le pont (d’envol)
Le 11 aout 1999 dans la journée le PA en sortie d’essais est en mer au large de Belle Ile. Mais quels essais ?? Le pont est inhabituellement désert quand soudain un afflux en grand nombre de personnels envahit le pont d’habitude réservé aux avions et aux quelques initiés dont la présence y est justifiée. Ils sont tous munis de lunettes bizarres fournies par le bord. Eh bien non les essais avias sont suspendus pendant les quelques minutes qui vont permettre d’observer une éclipse totale de soleil car nous sommes en bordure de la zone où elle est observable.
Un Centre Opérationnel au rabais ??
Les usages voulaient que les locaux opérationnels et plus particulièrement le CO fassent l’objet d’un maquettage réaliste pour figer, en accord avec les utilisateurs opérationnels, les aménagements de locaux où ils seront nombreux à travailler en parfaite harmonie (éclairage, positions relatives, champs visuels, secteurs morts, etc.). C’était l’occasion pour les maquettistes du chantier de montrer leur savoir-faire qui les incitait à un réalisme relevant plus de...
Un Centre Opérationnel au rabais ??
Les usages voulaient que les locaux opérationnels et plus particulièrement le CO fassent l’objet d’un maquettage réaliste pour figer, en accord avec les utilisateurs opérationnels, les aménagements de locaux où ils seront nombreux à travailler en parfaite harmonie (éclairage, positions relatives, champs visuels, secteurs morts, etc.). C’était l’occasion pour les maquettistes du chantier de montrer leur savoir-faire qui les incitait à un réalisme relevant plus de l’ébénisterie que de la menuiserie. Afin de faire simple et économique DCN Brest avait réalisé le maquettage virtuel que permettait l’apparition récente d’un des premiers logiciels d’architecture 3D (Autocad). L’officier de programme n’était pas convaincu et un accord fut trouvé pour compléter ce maquettage par une représentation en dur simplifiée dite de la caisse à savon dans laquelle les opérateurs pouvaient physiquement évoluer. Ces dispositions se sont avérées efficaces et le CO du PA, malgré sa complexité, a été considéré comme une réussite.
La tête d’une série unitaire
La durée de, la réalisation d’un ouvrage d’une extrême complexité, dont la définition n’a pas été totalement validée dès le départ et ou certaines validations relevaient d’hypothèses en évolution ou devenues caduques en cour de route, a été la cause de modifications qui n’étaient pas de simple détails ; elles impactaient chacune à sa façon le devis, le processus de fabrication, certaines caractéristiques techniques ou certaines capacités...
La tête d’une série unitaire
La durée de, la réalisation d’un ouvrage d’une extrême complexité, dont la définition n’a pas été totalement validée dès le départ et ou certaines validations relevaient d’hypothèses en évolution ou devenues caduques en cour de route, a été la cause de modifications qui n’étaient pas de simple détails ; elles impactaient chacune à sa façon le devis, le processus de fabrication, certaines caractéristiques techniques ou certaines capacités opérationnelles.
La liste suivante, non exhaustive, en est une illustration pour les plus importantes :
- renforcement de la protection des soutes à munitions ;
- allongement de la piste oblique pour sécuriser le recueil des aéronefs en conditions extrêmes ;
- adjonction d’une coupée à la poupe pour faciliter les mouvements de bord au mouillage ;
- développement d’un nouveau sécheur de vapeur entre turbine HP et turbine BP de l’appareil moteur pour éviter l’érosion des ailettes de la turbine BP ;
- ajout de logements pour tenir compte de l’évolution des effectifs due :
- au développement de la féminisation ;
- au nombre croissant de membre de l’état-major de force embarqué ;
- déplacement des deux safrans pour supprimer les vibrations causées par des interférences complexes avec le sillage de l’hélice ;
- modification du local banc d’essai des réacteurs M88, proche d’une zone vie du PA, pour diminuer les nuisances sonores dues aux passages sur banc. elle apparait pour une part sous la forme d’une sorte de pot d’échappement sur le tableau arrière ;
- réponses à de multiples demandes de reprise de conception (sic) formulées par les autorités de sureté nucléaire.
En images
Liens annexes
Groupe aéronaval (GAN)
En fait, en opérations, un porte-avions ne navigue jamais seul. On utilise souvent le terme de groupe aéronaval (GAN) qui désigne un groupe de navires articulé autour de lui.
ATM, premiers enseignements opérationnels
Le 7 décembre 2018, après avoir terminé ses essais, validé son stage de mise en condition opérationnelle et réalisé 24 qualifications à l’appontage de jeunes pilotes, le porte-avions termine sa séquence de remontée en puissance et dispose de nouvelles capacités militaires qui lui permettront de relever les défis des 20 prochaines années...
Les autres grands programmes à découvrir