Bases de la politique industrielle d’armement

L’armement, c’est tout simple.

Un besoin militaire, deux politiques industrielles, un plat de spaghettis, un escalier et deux cartes du Tendre, et c’est tout.

Un besoin militaire, condition sine qua non.

Une politique industrielle d’armement fixant les choix :

  • achat à l’étranger ou développement, sur le critère de l’autonomie d’emploi de cet armement ;
  • puis, le cas échéant, développement national ou cotisation à un co-développement compatible avec l’autonomie.

Une politique industrielle générale, visant l’emploi, influe au deuxième degré sur ces choix, et au premier degré sur la volonté d’exportation des matériels développés.

Notons que les Etats ont eu depuis les années 1950 une vue - variable avec leurs finances et leur stratégie - de leur besoin d’autonomie. Le plat de spaghettis ci-dessous en donne une idée sommaire, les Etats-Unis visant une autonomie complète et deux générations technologiques d’avance, les autres suivant péniblement ou réduisant leur ambition à la tenue de quelques créneaux et important plus ou moins massivement.

ia d1 volonte autonomie apres guerre

D’où vient l’argent de recherche et développement (R&D) créant les matériels non importés répondant aux besoins militaires ? Il ne peut venir, en aucune manière, de l’industrie elle-même, pour les matériels majeurs. Leur marché national, leurs autorisations d’exportation et leur marché à l’exportation ne sont pas prévisibles, ce qui suffit à interdire l’autofinancement.

Le volume de ces investissements, donc leur risque technique et leur durée, sont très élevés, si bien que même la probabilité d’arriver un jour sur le marché n’est pas facile à estimer.

Face à cet avenir doublement imprévisible, on peut, disait à peu près Pierre Dac, se retourner vers le passé et observer les chiffres d’affaires (CA) générés historiquement par les investissements de R&D. C’est l’objet de la carte du Tendre ci-après. A quelques exceptions près, les industriels du passé ont dépensé 15 à 50 % du CA en R&D (en bas à droite de la carte), avec des volumes, non représentés, croissant avec ces taux.

ia d2 investissements industrie

Dans ces conditions, l’autofinancement a priori de la R&D est un suicide. Si le client veut une solution autonome à un besoin militaire, c’est à lui de financer la R&D et de prendre le risque, seul ou avec des voisins qui respecteront sa volonté d’autonomie.

Si le client recourt à la compétition pour choisir un maître d’œuvre industriel, c’est, pour les matériels majeurs, un fusil à un coup, puisque le ou les perdants ne restent pas disponibles à leurs frais jusqu’au tour suivant. L’industrie des matériels majeurs est une industrie de monopoles. Nationaux, puis un jour européens peut-être. L’apparition de monopoles mondiaux correspondrait à la fin des autonomies nationales (voir le schéma de l’escalier ci-dessous).

ia d3 tous chemins menent rome

L’industrie ainsi suscitée par l’Etat lui reste ensuite nécessaire jusqu’à la génération suivante du matériel majeur dont elle est chargée, sauf exception. Or, pour les matériels majeurs, le cycle de renouvellement dure trente à quarante ans. Le maintien de compétence du bureau d’études est donc une question cruciale, et difficile. Le développement de versions successives, rendues nécessaires par l’évolution du besoin militaire et possibles par l’évolution des techniques, en est une solution, comme le développement de versions export.

La continuité du savoir-faire de production, le maintien du réseau de sous-traitants et l’intégration de nouvelles méthodes de productivité, sont également nécessaires ; le succès à l’exportation et le lissage des commandes nationales y contribuent.

L’étalement de la R&D et de la production dans le temps oblige l’industriel à n’accepter que des contrats de R&D rentables par eux-mêmes, excluant toute spéculation sur la possibilité d’amortir la R&D sur la production nationale, et surtout export.

L’Etat, de son côté, a besoin d’une administration forte et compétente, discutant sans subordination avec l’état-major la satisfaction du besoin militaire, proposant la politique industrielle d’armement, et l’application à l’industrie d’armement de la politique industrielle générale visant l’emploi, et passant les marchés nécessaires à une industrie en monopole. C’est le rôle de la DGA, dirigée par les ingénieurs de l’armement.

C’est la DGA, et à sa tête le corps de l’armement.

Le système correspondant fonctionne bien, a été copié et peut être transposé, si les Etats-membres le souhaitent, au niveau de l’Union européenne.

Une volonté d’autonomie européenne dans la satisfaction de besoins militaires de l’Union, ou communs à un noyau d’Etats-membres, amènerait à un budget de R&D européen, à dépenser au mieux en accord avec ces derniers.

Il faudra que l’Union accepte d’agir dans la zone en bas à droite de la deuxième carte du Tendre ci-après, en respectant les principes de la relation maître d’ouvrage / maître d’œuvre exposés supra.

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