L’impact économique des dépenses d’armement

La France consacre depuis des décennies aux équipements de défense un des plus importants budgets en Europe, d’un montant de l’ordre de 10 milliards d’euros par an ces dernières années. Grâce à ces acquisitions de matériels et systèmes d’armes, mis en œuvre par des hommes et des femmes aguerris, les armées françaises disposent d’un très large éventail de capacités militaires, de la dissuasion nucléaire aux interventions humanitaires, dont seules quelques grandes puissances mondiales peuvent se prévaloir, et soutiennent en permanence sur plusieurs continents l’action diplomatique de la France.

Cette dépense, que d’aucuns assimilent à une prime d’assurance nationale, est également porteuse d’importantes retombées économiques et sociales que l’on peut illustrer en quelques chiffres. Les matériels, équipements et systèmes de défense sont acquis par la Direction générale de l’armement (DGA) principalement auprès de l’industrie de défense nationale, y compris dans le cadre de programmes en coopération européenne. L’industrie de défense est une industrie stratégique qui relève de la souveraineté nationale. La base industrielle et technologique de défense, fruit d’un investissement continu de l’État depuis plus de 50 ans, répond donc à une volonté politique. Cette industrie représente un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 15 milliards d’euros, dont entre 5 à 10 milliards d’euros résultant de contrats à l’exportation. C’est un des rares secteurs à contribuer positivement à la balance commerciale de la France (voir figure). Les prises de commandes à l’exportation se sont élevées à plus de 16 milliards d’euros en 2016, contribuant, avec les lois de programmation militaire successives, à donner à cette industrie une visibilité pluriannuelle exceptionnelle. L’industrie de défense qui constitue la BITD (Base industrielle et technologique de la défense) emploie près de 200 000 salariés hautement qualifiés largement répartis sur l’ensemble du territoire national. Dans certaines régions, le secteur de la défense représente plus de 7 % des emplois industriels. La BITD est composée d’environ 2 000 entreprises, dont une dizaine de grands groupes de taille mondiale. Plus des trois quarts d’entre elles sont des PME, dont plusieurs centaines sont considérées comme stratégiques, c’est-à-dire associées à la souveraineté de la France, et font l’objet d’un suivi particulier de la DGA.

Solde commercial à l’exportation et taux de couverture

Solde commercial à l’exportation et taux de couverture (total exportations/total importations)
des entreprises de la BITD (source : EcoDef 92 - mai 2017)

Ces entreprises, sièges sociaux, bureaux d’études, centres de production, ateliers de maintenance, sont répartis sur tout le territoire national métropolitain, en particulier en Ile-de-France et dans les régions du Grand Ouest, du Sud-Ouest, du Centre et du Grand Sud-Est.

nombre pme defense

Nombre de PME de la BITD et montant des paiements « Défense » par région (source : EcoDef 111 - juin 2018)

mise a flot fregate

Mise à flot d’une frégate FREMM au chantier de Lorient de Naval Group

La DGA oriente et conduit des recherches destinées à maîtriser les technologies qui seront nécessaires à la réalisation des futurs équipements des forces armées. Les travaux couvrent à hauteur d’un milliard d’euros annuels tout le processus de maturation des technologies (démonstrateurs, études technologiques, recherche et technologie de base). Les recherches industrielles représentent près de 70 % de ce budget, avec un mécanisme spécifiquement dédié aux PME innovantes (le dispositif RAPID [1]), le reste finançant des travaux et des infrastructures dans les écoles d’ingénieurs du ministère des Armées et dans les organismes de recherche publics comme l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis(ISL) ou le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Par ailleurs, la DGA entretient des relations privilégiées avec les organismes de recherche civils pour développer la recherche technologique duale, c’est-à-dire le développement et la militarisation de technologies également utilisées dans les applications civiles dans des domaines très divers comme la santé, les transports, les télécommunications ou l’intelligence artificielle. Des dispositifs spécifiques, financés entièrement par la DGA et pilotés par l’Agence nationale de la Recherche (ANR), permettent de lancer chaque année plus d’une trentaine de projets multidisciplinaires et multipartenaires avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de nombreux laboratoires de recherche public (dont ceux évoqués ci-dessus), des universités et des écoles d’ingénieurs. Des « challenges » sont également menés en coordination avec l’ANR pour stimuler et comparer des solutions technologiques en réponse à un besoin nouveau (par exemple, la localisation d’un individu à l’intérieur d’un bâtiment). La politique scientifique du ministère des Armées est donc étroitement coordonnée avec les dispositifs d’accompagnement de la recherche publique.

De l’autre côté de l’échelle des niveaux de maturité technologique, l’industrie d’armement est fortement duale dans certains secteurs comme l’aéronautique, avec une activité industrielle civile qui s’est construite au moins en partie avec des technologies ou des savoir-faire de la défense [2] (entre autres exemples, les compétences actuelles en hélicoptères civils doivent beaucoup aux programmes militaires [3]). L’impact économique civil des études de défense y est donc un cas fréquent et avéré. C’est sans doute moins évident dans les domaines terrestre et naval, même s’il existe des exemples de technologies duales (en robotique par exemple). Par construction, les dispositifs d’accompagnement actuels de la DGA financent des projets duaux portés par une PME (petite ou moyenne entreprise) ou une ETI (entreprise de taille intermédiaire), dont les résultats industriels se concrétiseront dans les prochaines années avec un impact économique souvent civil et militaire. Entre autres exemples, les domaines de la microfluidique ou de la spintronique suscitent un fort intérêt scientifique et un commencement d’intérêt industriel. Ils conduiront à développer des compétences industrielles communes, même si les besoins militaires pourront différer des besoins civils par leurs performances plus exigeantes.

Selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Innovation, les dépenses totales de R&D de la BITD représentent près d’un quart des dépenses intérieures totales de R&D des entreprises résidentes sur le territoire national.

maquette bassin essais

Maquette de frégate dans un bassin d’essais hydrodynamiques de la DGA

calculateur sator

Calculateur à haute performances SATOR (600 Tflops)

simulation numerique combustion

Simulation numérique de la combustion d'un moteur à ergols liquide (ONERA)

 

[1] Voir site ixarm.com.
[2] Voir les études détaillées Comaero réalisées par l’Association aéronautique et astronautique de France : https://www.3af.fr/article/comaero.
[3] Cf. [3] Magazine des ingénieurs de l’armement n° 112 (juin 2017) : les voilures tournantes.